La peur de ne pas être une « bonne mère » avant même l’accouchement

Bien avant la naissance, certaines femmes sont envahies par une inquiétude diffuse : serai-je une bonne mère ? Cette question, souvent silencieuse, s’installe dès la grossesse, parfois même dès que le désir d’enfant prend forme. Loin d’être irrationnelle, cette peur révèle les enjeux inconscients liés à l’image maternelle, aux attentes intériorisées et aux blessures d’enfance. Elle exprime l’anticipation d’un rôle chargé de projections idéales, où la figure de la « bonne mère » devient une norme impossible à incarner, source de culpabilité avant même d’avoir commencé.
L’héritage invisible des modèles maternels
Clara, 30 ans, avoue que dès le début de sa grossesse, elle craignait de « répéter les erreurs de sa propre mère ». La peur de mal faire s’enracine souvent dans l’histoire familiale, où l’on porte inconsciemment le poids des figures maternelles passées. Qu’il s’agisse d’une mère admirée, redoutée ou absente, l’image maternelle héritée agit comme un repère silencieux. La future mère se retrouve prise entre le désir de faire mieux et la crainte de reproduire des schémas qu’elle n’a pas toujours identifiés. Cette angoisse traduit une fidélité inconsciente aux blessures familiales et réveille des conflits internes liés à la filiation féminine.
L’injonction sociale à la perfection maternelle
Sophie, 32 ans, confie qu’elle se sent déjà coupable d’être « trop anxieuse » pour son futur bébé. La société alimente cette peur avec ses discours normatifs : être douce mais ferme, attentive mais indépendante, épanouie mais disponible. Cette mosaïque de qualités contradictoires dessine un idéal maternel inaccessible, où chaque écart devient source de culpabilité anticipée. À cette pression sociale s’ajoute l’influence des réseaux sociaux et des représentations médiatiques, qui exposent des maternités lissées, édulcorées, renforçant l’idée qu’une bonne mère ne doute pas, ne faiblit pas, et sait instinctivement ce qu’il faut faire.
Accepter l’imperfection comme fondement du lien maternel
Il est essentiel de comprendre que la « bonne mère » n’est pas celle qui évite toute erreur, mais celle qui accepte d’être « suffisamment bonne », selon les mots du psychanalyste Donald Winnicott. C’est dans les petits manquements, les ajustements imparfaits, que l’enfant construit sa propre autonomie. Reconnaître ses limites, ses doutes et ses maladresses à venir permet de sortir de la tyrannie de l’idéal maternel. La future mère n’a pas à incarner une figure parfaite mais à créer un lien vivant, nuancé, avec l’enfant réel et non avec une projection idéalisée. Apprendre à tolérer l’imperfection, c’est aussi offrir à l’enfant l’espace d’exister sans porter le poids des attentes maternelles idéales.