Psychologie

Soupçonner une trahison, interpréter les gestes les plus neutres comme hostiles, vivre dans une tension permanente… Tels sont les signes caractéristiques de la personnalité paranoïaque, souvent mal comprise et caricaturée. Ce mode de fonctionnement repose sur une méfiance intense vis-à-vis des autres, mais derrière cette apparente dureté se cache, selon la psychanalyse, un conflit psychique profond et une peur d’être envahi, blessé, déstabilisé. Plutôt que de juger, il s’agit de comprendre : et si cette posture de défense était une façon de survivre à l’angoisse ?

Un mode de pensée dominé par la méfiance

Le sujet paranoïaque vit dans un univers psychique dominé par la suspicion. Il doute des intentions d’autrui, pense qu’on l’observe, le critique, le manipule. Les propos neutres prennent une signification cachée, les gestes simples deviennent menaçants. Pour la psychanalyse, cette posture n’est pas une illusion gratuite, mais une manière d’organiser le monde pour tenir à distance l’angoisse d’effondrement ou d’intrusion. Il s’agit d’un système défensif rigide, qui offre une cohérence… mais au prix d’un isolement croissant.

La projection comme mécanisme central

Au cœur du fonctionnement paranoïaque se trouve un mécanisme de projection. Le sujet attribue à l’extérieur ce qu’il ne peut pas reconnaître en lui : agressivité, hostilité, colère, jalousie… Il transforme une tension interne insupportable en menace externe : « ce n’est pas moi qui ressens cela, c’est l’autre qui me le fait ». Ce processus, inconscient, protège le moi fragile, mais déforme profondément la perception de la réalité. Le monde devient un miroir inquiétant, envahi par des figures hostiles issues de l’univers interne.

Une défense contre l’angoisse de persécution

La méfiance du paranoïaque n’est pas purement relationnelle : elle s’ancre dans une structure de type névrotique ou pré-psychotique, selon l’intensité. Ce que la psychanalyse révèle, c’est que derrière la dureté apparente, il y a souvent une angoisse massive de persécution, vécue comme insoutenable. Le sujet paranoïaque cherche à maîtriser un monde qu’il ressent comme dangereux, quitte à le rigidifier. Le lien à l’Autre devient impossible, car trop risqué : tout contact est perçu comme une intrusion, toute émotion comme une faiblesse.

Un moi surinvesti, mais fragile

Contrairement à l’idée qu’il manque d’estime de soi, le sujet paranoïaque surinvestit son moi : il se vit souvent comme exemplaire, irréprochable, supérieur ou irréductiblement différent. Mais ce moi est en réalité très vulnérable à la critique, à la nuance, à la contradiction. La moindre remise en question peut être vécue comme une attaque insupportable. Cette hyper-réactivité narcissique traduit un moi non consolidé, qui cherche désespérément à éviter la désillusion ou l’humiliation. Ce qui est perçu comme orgueil est souvent la carapace d’une peur archaïque.

Entendre la souffrance derrière la rigidité

Le travail analytique avec une personnalité paranoïaque est difficile, car la confiance est presque impossible à établir au départ. Mais lorsque le cadre est suffisamment stable et que le sujet peut se sentir en sécurité, une parole peut émerger. Il ne s’agit pas de convaincre qu’il n’est pas menacé, mais de mettre du sens sur ce qui se rejoue à travers les interprétations et la méfiance. Derrière la posture défensive, il y a un sujet en souffrance, souvent marqué par une expérience précoce de dévalorisation ou d’humiliation, qui tente de survivre psychiquement. La psychanalyse propose ici une voie de compréhension et de symbolisation, au-delà du jugement.

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