L’échangisme et la consommation sexuelle

L'échangisme qui se murait autrefois dans des clubs spécialisés est aujourd'hui de plus en plus médiatisé. Certains magazines de télévision en ont donné une image d'absolue liberté. Pour autant, il n'est pas certain que cette pratique soit si répandue qu'annoncée. Elle demeure bien souvent un fantasme qui est appelé à rester du côté de l'imaginaire. De plus, cette fantasmatique n'est pas sans lien avec l'invitation actuelle à consommer de plus en plus de partenaires…

 

Vu de l'extérieur l'échangisme apparaît comme un ensemble de codes qui régissent un groupe de partenaires sexuels potentiels. Lors des soirées, il convient de prêter son conjoint pour qu'il entretienne des relations sexuelles avec des personnes le plus souvent préalablement choisies. Dans le fantasme échangiste, il s'agit surtout de se savoir plus séduisant (e) que les protagonistes sexuels de passage. En effet, c'est après que le désir sous-jacent se révèle. Dans le retour au couple habituel, les amants "au quotidien" trouvent une satisfaction d'autant plus grande qu'elle est imaginée comme surpassant celle obtenue avec les amours furtifs. L'échangisme n'est en fait pas un échange mais bien plus un moyen de confirmer l'interdépendance. Il y a le ou la conjoint(e) et les autres. Le fantasme pourrait se formuler ainsi : "Si malgré tous les autres, il ou elle revient/reste, c'est que quelque chose d'autre, de plus puissant a cours entre nous".
 

L'époque actuelle se débat entre deux tendances d'égale force : une survalorisation de la fidélité et une tentation toujours plus grande d'aller "butiner" ailleurs. La norme renvoyée est ambivalente. Elle oscille entre une répression féroce du libertinage et une exhortation aux amours faciles et sans implication. Le libertinage fait courir un risque létal (Infections sexuellement transmissibles) et la fidélité fait courir un risque tout aussi grand en termes d'image, notamment pour les hommes. Est viril ce qui est puissant, c'est-à-dire celui qui a beaucoup d'aventures.

Dans ces conditions, l'échangisme passe pour une manière de gérer cette ambivalence. En effet, point d'infidélité ni de pudibonderie, les deux voies contradictoires sont satisfaites. L'infidélité consentie par le couple voire surveillée se transforme en libéralisation de leur sexualité. Probablement que dans un certain nombre de cas, l'un des membres du duo échangiste accepte cette situation pour ne pas angoisser face aux désirs extérieurs de l'autre. C'est une tentative de contrôler une éventuelle tromperie. L'acte "délictueux" peut avoir lieu mais il ne le sera pas de manière cachée. Ce qui est su est contrôlable.
 

L'habitude de consommer à outrance a envahie jusqu'à nos sexualités. Aujourd'hui, il convient de chercher partout l'innovation. Notre activité sexuelle n'est pas oubliée dans ce mouvement. Elle doit répondre à deux impératifs : la nouveauté et le toujours plus. Dans l'échangisme, les deux sont réunis : des inconnus, nouveaux par essence et en grand nombre. L'échangisme sonnerait donc comme une réalisation des prescriptions sociales consuméristes. Le couple par sa simplicité ressemblerait presqu'à une sorte d'ascèse.
 

Pour autant, l'échangisme n'est pas blâmable s'il est librement consenti. Toutefois, il est toujours difficile de faire un point précis sur ses désirs quand ils impliquent l'autre auquel nous sommes liés par des sentiments. Comment acquérir la certitude que l'on s'y adonne par envie individuelle plus que par peur de perdre l'amour auquel nous tenons tant.

Dans l'échangisme, il s'agit bien de mettre en tension la relation qui préexiste à sa pratique. Ainsi, avant d'opter pour une activité porteuse de risques quant à la structuration du couple, peut-être est-il intéressant de s'interroger sur ce qui nous satisfait et ce qui nous manque avec notre partenaire habituel. C'est seulement à l'aune de cette connaissance sur soi que nous sommes en capacité de décider librement des options fantasmatiques qui s'offrent à nous. Encore une fois, intégrer ponctuellement un fantasme dans son panorama relationnel ne pose souci que lorsqu'il devient le mode d'expression exclusif du désir. L'échangisme s'il fait voler en éclat nos restrictions morales demeure un style de vie codifié où la liberté est très encadrée. Rien ne nous empêche alors de l'utiliser sur le plan du fantasme car dans la pensée nous sommes encore complètement libres et tous les partenaires sont autorisé(e)s.