Homosexualité masculine et histoire personnelle

A toutes les époques, un des principaux projets des sociétés a été de contrôler nos désirs et nos orientations sexuelles. Jusque récemment (l'élection présidentielle de 2007, en France), la question des origines de l'homosexualité agitait les esprits. Entre ceux qui arguent une origine génétique et ceux qui mettent en avant l'histoire individuelle, comment se faire un avis ?
 

Il y a autant d'homosexualités qu'il y a d'homosexuels. Sur le plan de la sexualité, quelle que soit l'orientation choisie, chaque personne est unique. Les désirs sont ce que nous avons de plus personnel, de plus individuel. La façon dont nous les vivons et les mettons en œuvre est le fruit de multiples paramètres. Le désir fait feu de tout bois : genre auquel nous appartenons, genre que l'on se reconnaît, histoire personnelle, imagos, expériences… Il est illusoire de vouloir le réduire à la génétique. Elle est certainement ce qui compte le moins dans sa constitution. Toutes les études sur le genre le montrent : se ressentir ou être homme ou femme ne façonne pas notre désir puisque nous interprétons ces certitudes chacun à notre manière.
 

Dès tout petit nous rencontrons les places sociales qui sont assignées à notre genre apparent. Ainsi, les garçons doivent aimer les sports de combat ou le football tandis que les petites filles doivent apprécier les cours de danse et de gymnastique. C'est la construction sociale du genre qui préfigure, selon les mêmes déterminations, notre désir. Chaque société définit précisément les rôles attribués au masculin et au féminin. Pour autant chacun jouit d'une marge de manœuvre quand à sa façon d'interpréter ces diktats sociaux.
 

En fonction de l'éducation reçue, la liberté prise par rapport aux pressions sociales sera plus ou moins grande. Si la psychanalyse nous apprend que la bisexualité est le fond du désir, l'autorisation de vivre des expériences homosexuelles ou de se structurer comme homosexuel dépend en grande partie de la liberté acquise pendant l'enfance et notamment de notre histoire infantile. Pour autant, la seule éducation n'explique pas tout. Des émois de l'enfance jusqu'à ceux plus définitifs de l'âge adulte, nous rencontrons des obstacles mais aussi des facilitateurs qui nous font aller vers telle ou telle inclination. Probablement, qu'en l'absence de telle ou telle rencontre, nos choix amoureux seraient différents. Dans l'homosexualité, il est courant qu'une rencontre, un jour, fasse prendre conscience d'une potentialité qui préexistait.
 

Le roman familial (l'histoire fantasmée de nos origines) ne vient que donner du sens à cette découverte fortuite. L'histoire infantile peut faire alliance avec le hasard et prendre un sens nouveau qui désormais nous structurera. Il est important de sortir des clichés dans lesquels l'homosexualité s'est trouvée enfermée. Comment par exemple penser l'homosexualité masculine chez les grecs antiques ? Doit-elle être liée à une absence de père et/ou à une mère dominante ? Il semblerait plutôt qu'elle soit une modalité culturelle autorisée de relations reposant sur une possibilité du désir de l'homme. 

Quand un homme ou une femme se découvre des désirs homosexuels, il est normal qu'il ou elle cherche dans son histoire des éléments les justifiant. Pour autant, ces éléments sont-ils plus déterminants que tels ou tels autres ? Les identifications en jeu dans l'homosexualité nous apprennent que toute identification est un mécanisme complexe et qu'aucun lien de causalité parfaite n'existe dans le fonctionnement psychique de l'Homme. Ainsi l'histoire individuelle d'un sujet éclaire son orientation sexuelle mais ne la dicte pas. Il subsiste toujours une extrême variabilité des interprétations données aux évènements de nos vies. C'est elle qui fait qu'aucun être ne se ressemble et que chacun peut avancer sur le chemin de sa propre liberté.