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Un mouvement populaire pour réhabiliter le politique ?
Alors que la défiance de la population envers les politiques n’a jamais été aussi grande, des voix s’élèvent pour militer en faveur d’un grand rassemblement populaire. En quoi un tel mouvement pourrait-il représenter une réhabilitation de la politique ?
Distanciation et dénigrement
Alors que la population exprimait son mécontentement devant le développement des délocalisations, la multiplication des licenciements collectifs décidés malgré des résultats bénéficiaires ou encore devant la hausse des prix du carburant, les réponses des politiques furent de deux ordres.
Tout d’abord, ils tentèrent de démontrer que la responsabilité de ces évènements ne leur incombait pas: d’une part, la mondialisation est en marche et ne peut être remise en cause ; d’autre part, la source des mécontentements des français ne se trouve pas dans la politique menée par le gouvernement mais dans des pratiques conduites par des pays étrangers. Nous pouvons citer les méthodes des traders, désignés grands responsables de la crise économique ou encore les conflits politiques des pays producteurs de pétrole qui expliquent la hausse des prix du carburant… Bref, tout se joue à partir d’évènements contre lesquels nous ne pouvons rien.
A ceux qui manifestaient leurs inquiétudes devant la mondialisation, le gouvernement répondit également par le dénigrement. Il expliqua en effet qu’il était totalement irréaliste d’espérer lutter contre cette mondialisation et définit les individus critiques comme ‘pessimistes’, sous-entendu manquants de confiance en eux et en leur pays.
Ainsi, face à un environnement instable, insécure et contre lequel on ne peut lutter, est-il étonnant que les français aient délaissé le champ politique et se soient repliés sur la sphère privée, seul environnement qu’ils semblent être en mesure de contrôler ? Est-il étonnant qu’ils se soient désintéressés des élections, alors même que les politiques n’ont de cesse de répéter que nous sommes contraints de subir les difficultés et de nous y adapter ?
Mouvement populaire et capacité d’agir
Un mouvement populaire se caractérise par une affirmation de la souveraineté du peuple face aux décisionnaires. Lorsqu’il aboutit à une révolte, comme cela fut le cas récemment en Tunisie, il engendre une re-prise du pouvoir par la population, qui estime que les gouvernants ne sont plus aptes à les représenter : le peuple se saisit alors lui-même des problématiques de la vie quotidienne et agit donc à nouveau sur son environnement.
En ce sens, un tel mouvement serait certainement de nature à briser la distance installée entre les français et le politique. Sans avancer vers la révolte, un noyau citoyen impliquerait un saisissement et donc une appropriation des questions quotidiennes par ses membres, ce qui aurait pour effet d’insérer la politique dans le vécu et l’environnement de la population. Toute la problématique serait ensuite de ré-installer un représentant légitime et de lutter contre une logique corporatiste au profit de l’intérêt commun.
Sur l’impact de la politique sécuritaire
L’emploi de vocabulaires guerriers dans le traitement de phénomènes sociaux, la surenchère médiatique devant les actes de violence ou encore l’agitation de la peur face à la crise économique tendent à créer un environnement dangereux, à vivre replier sur soi et à identifier autrui comme une menace. Ces stratégies font le lit du sarkozisme, dans lequel le président n’hésite pas à critiquer ouvertement des institutions déjà en crise (syndicats, magistrats etc…) pour tenter de se montrer en phase avec les mécontentements des français.
Là encore, il faut reconnaître qu’un mouvement populaire serait un obstacle de taille au développement de cette idéologie, à condition qu’il rassemble au-delà des différentes communautés. Le rapprochement, on le sait, est l’ennemi des mécanismes stéréotypaux car la proximité brise les traits grossiers en faveur des spécificités humaines et permet l’établissement de relations compréhensives et empathiques.