Un couple, 2 revenus, un compte

La manière dont nous sommes structurés se révèle particulièrement dans la façon dont nous gérons nos finances personnelles. Le jour où nous débutons une vie en commun, la comptabilité du couple met au jour bon nombre de fonctionnements sous-jacents à la relation.
 

Notre rapport à l'argent est une négociation quotidienne qui met en jeu plusieurs composantes de notre fonctionnement psychique. Nos revenus symbolisent la valeur que l'on s'accorde ou que l'on se reconnaît, tandis que nos dépenses expriment notre capacité d'emprise sur l'environnement. Chacun de nos actes financiers est sous-tendu par un choix inconscient et se fonde sur l'estime de soi, le besoin de reconnaissance ou encore l'envie de venir en aide.

C'est cette valeur inconsciente de l'argent que la psychanalyse a mis au jour dans le paiement des séances. Cela questionne à chaque fois notre rapport à l'autre, ainsi que l'importance de la dette psychique. Nous sommes pris dans ce double système qui fonde nos relations et qui oscille entre dettes et créances. La monétarisation de l'échange se retrouve alors tout naturellement dans le couple.
 

Le compte commun peut s'entendre comme le point de jonction des psychismes des titulaires. Plusieurs formules sont possibles : le compte est au nom de Monsieur et Madame, ou de Monsieur ou Madame. La confiance entre les partenaires est donc convoquée de diverses manières : chacun est habilité à dépenser, ou bien les deux sont attendus pour dépenser le pécule solidaire. Le compte joint est une extension de la relation ; il traduit la structuration du couple. A travers l'argent, nous remettons entre les mains de l'autre un pouvoir particulier et une partie du fruit de notre travail. Symboliquement, l'autre devient copropriétaire de notre vie. De plus, à partir du compte joint, les dépenses positionnent, pour le monde extérieur, le couple comme une entité à part entière.
 

Mettre en commun ses revenus atteste d’une volonté de partager. Les deux revenus n'étant pas nécessairement identiques, ils interrogent ce que chacun est en capacité d'investir dans le quotidien du couple. Cela peut par ailleurs entraîner des tensions, voire une inégalité des positions. Dans nos sociétés, le pouvoir que l'on se reconnaît est souvent proportionnel au revenu dégagé. Lorsque les deux amants mettent leurs revenus dans le pot commun, ces valeurs sont susceptibles d’entraîner un déséquilibre et de jeter la lumière sur des inégalités plus importantes (répartition des rôles, des tâches, …).
 

Deux situations liées au compte joint sont encore possibles et peuvent s'entendre différemment. Des conjoints conservent parfois leur compte personnel, quand d'autres se restreignent au compte commun. Dans le premier cas, il subsiste un espace de liberté totale pour chacun des deux partenaires. Ils sont libres d'épargner et de dépenser une partie de leur argent comme ils le souhaitent. Dans le second, la mutualisation est totale, et la liberté de chacun s’exprime ailleurs que dans l’argent. Souvent, cette situation se rencontre chez des couples ayant déjà un long passé ensemble. Les négociations sur comment gérer l'argent commun ont déjà eu lieu, et la maturité du couple a permis qu'un compromis stable s'installe. Mettre son argent  en commun participe de ces moments où les individualités (je et je) cèdent la place au nous.