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Stérilité masculine : tabous, culpabilité, solutions
Depuis les années 1970, l'assistance médicale à la procréation (AMP) s'est considérablement développée, offrant un éventail toujours plus large de techniques pour pallier à l'infertilité du couple. Si les femmes ont endossé la plus grande part de la souffrance et de la culpabilité liées à la stérilité, c'est en référence à leur statut social : entre féminité et maternité. La stérilité masculine est, elle, demeurée la part d'ombre du problème d'infertilité.
La stérilité masculine, une atteinte au statut de dominant du masculin?
La fertilité masculine n'est que rarement remise en question en premier lieu dans une problématique de stérilité. La responsabilité incombe encore presque toujours à la femme. Ainsi, nous n'avons jamais vu d'époux répudié pour ne pas avoir assuré sa descendance. Le rôle du masculin est socialement distinct du rôle de géniteur. La sexualité masculine ne connaît pas le même arrimage à la fonction de procréation que la sexualité féminine. Schématiquement, la femme est une mère potentielle tandis que l'homme est un amant. Ces statuts différents déplacent la problématique de la stérilité masculine sur le plan de la puissance sexuelle c'est-à-dire de la virilité.
La stérilité masculine, un équivalent symbolique de l'impuissance
C'est à ce ressort que nous devons de constater que tout problème de stérilité masculine se rejoue sur le plan de la castration. Un homme hypofertile est symboliquement un homme dont l'intégrité des organes sexuels n'est pas certaine. Dans une société centrée sur le masculin viril et dominant (phallocentrisme), un homme infertile ou stérile est l'équivalent d'un homme impuissant. Or l'impuissance est la thématique qui, bien qu'abondamment médiatisée, reste l'un des tabous les plus puissants de nos sociétés. Il existe un très fort parallèle entre la puissance sexuelle et la place occupée dans la hiérarchie sociale.
La semence masculine est portée au rang d'étalon-or social et est investie d'une valeur immense (cf. la publicité qui l'évoque régulièrement). Quand elle est dépossédée de ses qualités (fantasmées), cela rejaillit sur le plan du prestige social et de la place occupée par son propriétaire. Un homme infertile n'est socialement pas un homme au sens plein du terme. Le sentiment de honte qui en découle est à la source du tabou (ce qu'on ne touche pas et dont on ne parle pas) qui entoure la question.
La parole, médiateur d'une sexualité retrouvée
S'il est très difficile pour un homme de mettre des mots sur son infertilité, il est important de constater que l'infertilité masculine n'est généralement pas visible. Celle-ci ne change rien quant à la capacité sexuelle de l'homme qui est concerné. La sexualité n'a pas pour l'espèce humaine l'objectif principal de procréer. Toutefois, le fantasme masculin de capacité de satisfaire le désir prêtée aux femmes d'être mère, demeure puissant. Dès lors la question de l'infertilité masculine donne l'occasion de modifier le rapport des hommes à leur sexualité, à leur partenaire ainsi qu'à la place qu'ils occupent dans le groupe de pairs. Disjoindre, par le jeu de la mise en mots, la fonction sexuelle de la fonction reproductrice, même si le processus est à l'œuvre dans nos sociétés depuis l'essor de la contraception (laissée aux femmes), devrait modifier la place occupée par la sexualité (symbole de pouvoir) et offrir une sexualité plus épanouissante puisque non-fondée sur une dynamique de la performance. L'homme apprendra en cheminant que la proportion de sa semence occupée par les spermatozoïdes est infime et que l'efficience de ceux-ci ne change rien dans le réel de la satisfaction sexuelle qu'il peut apporter à sa partenaire.