Regards de couloir

Un contexte particulier

Notre lieu de travail est en soi un microcosme, une société dans la société régie par ses propres règles, explicites et implicites. Le respect de ces règles conditionne notre intégration, et la conscience grandissante de notre insécurité dans un contexte économique qui se durcit nous met sous pression. Cette pression nous incite à nous conformer à ce qui est attendu de nous (respect de l’esprit d’entreprise, productivité) et rend délicate toute tentative de glissement d’une relation strictement professionnelle à une relation personnelle. L’enjeu principal est la préservation de notre image au sein de l’entreprise. Tenter de séduire sur le lieu de travail nécessite donc tact, prudence et prise en compte des limites de l’autre.
 

Entrer en contact

Le lieu de travail peut faciliter la prise de contact : proximité, temps passé ensemble, occasions de contacts et d’échanges. Dans un même temps, les relations (bureau ou lieux de production) sont de plus en plus aseptisées (développement des échanges par mail, pression de la productivité, stress). Les points névralgiques du flirt restent les lieux de détente (cafétéria, cantine, seminaires), mais les tentatives de flirt (regard, sourires, dialogues plus privés) restent délicates à mener car le « paraître » reste de mise : le lieu de travail est le lieu de la réussite et du pouvoir, estime de soi et confiance en soi sont mis à rude épreuve, nous endossons donc un masque afin de nous conformer à ce qui est attendu de nous et nous protéger des agressions.
 

Etre soi

Dévoiler une partie de notre personne « privée », envoyer des signaux de besoin affectif nous met inconsciemment en danger, puisqu’il s’agit de dévoiler une partie de notre Moi, celle qui met en jeu nos peurs et carences affectives. Le lieu de travail est un environnement hostile dont nous nous protégeons, notre masque est celui de la conformité (consciencieux, sérieux, convenable) et de la confiance en soi (pas de sensiblerie). Tenter d’entrer en relation humaine dans ce contexte est un acte délicat mettant en jeu notre image et celle de la personne convoitée. Tout approche physique dans ce lieu où ce n’est pas attendu, (mais qui peut sembler naturelle lors d’un échange privé), peut être un franchissement des limites de l’espace intime de l’autre, une intrusion (notion d’espace personnel). La « drague » sur le lieu de travail reste aussi un tabou lié à l’histoire des relations homme-femme.
 

Questionner les enjeux

Tenter de séduire sur le lieu de travail représente une prise de risque car tout échec (de séduction ou dans la relation) peut engendrer des conséquences sur notre image auprès de notre cercle professionnel (collègues, hiérarchiques, personne concernée...). Pour ce qui concerne la séduction d’une personne d’un niveau hiérarchique supérieur au notre, on doit y questionner l'écho à notre problématique œdipienne (recherche inconsciente de liens amoureux avec le parent de sexe opposé), car il est souvent à l'oeuvre à notre insu. En outre, la libération sexuelle et l’indépendance des femmes grâce au travail n’ont pas suffit à faire disparaitre la prédominance masculine, réelle ou fantasmée, vis à vis des salaires, des postes ou de la reconnaissance. S'intéresser à un collègue peut aussi faire intervenir, de façon inconsciente, des éléments de réparation en lien avec ces désirs égalitaires (refoulés pendant des générations entières...).