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Quels liens entre l'enfance et la vie sexuelle ?
Aujourd’hui, nous rencontrons de multiples messages à caractère sexuel qu’ils soient patents ou latents, à la télévision, à l’école, dans les revues ou encore pendant les publicités. On aurait donc pu s’attendre à ce qu’un tel flot d’informations contribue à améliorer la vie sexuelle des Français, mais il n’en est rien.
Pourquoi la satisfaction sexuelle est-elle si complexe à atteindre ?
La satisfaction sexuelle trouve son origine dans notre histoire et se construit jour après jour dans notre relation à l’autre.
Le plaisir ramène l’homme et la femme à ce qu’ils ont de plus primitif ; il est un moment où les repères n’existent plus, où chacun se différencie de l’autre. Lorsqu’il survient, nous sommes engloutis par une puissante sensation sans aucune comparaison avec d’autres expériences. L’extase est donc un cataclysme, tant sur le plan biologique qu’affectif, mais celui qui refuse de perdre le contrôle, de plonger dans ce vide, de lâcher prise, ne peut le vivre.
L’origine de notre relation aux plaisirs
Atteindre le plaisir, c’est aussi faire confiance à l’autre, se reconnaître comme objet et sujet de désir. Les parents sont le premier couple connu par l’enfant et renvoient, en ce sens, une image des rapports aux plaisirs. Premier témoin de la vie de couple, il permet à l’enfant de construire ses premières références.
Chaque fille, par exemple, a sa propre définition de la féminité, selon l’image qu’elle en a reçue. Si, dans son enfance, la femme a été présentée comme sacrifiée à la maternité, elle sera perturbée par rapport à sa propre féminité et risque de la dénigrer. Les parents donnent donc des repères qui associent le masculin, le féminin et le rapport aux plaisirs à des significations. Dans notre exemple, le féminin a été associé à la maternité.
Le rapport que les parents entretiennent avec leur enfant est en lien avec son futur plaisir. Des parents "tout comblants" qui répondent toujours aux souhaits et envies, ne permettent pas la création de la sensation de désir. De même, ceux qui disent tout sur tout étouffent l’imaginaire et empêchent l’enfant de rechercher son propre rapport aux plaisirs.
La résolution du complexe d’Œdipe joue un autre rôle fondamental, car c’est dans cette période que l’enfant doit être autorisé à aimer l’autre parent. Accepter le plaisir, c’est aussi accepter l’autre. Un enfant qui n’aurait pas pu se détacher des figures parentales, mère ou père, risque de priver ses futurs partenaires ou d’écourter ses rapports parce que faire plaisir à l’autre restera attaché à "faire plaisir à maman", et sera donc impossible car lié à l’interdit incestuel.
Être reconnu comme désirant
L’adolescence est une période importante dans le devenir de la vie sexuelle. Les bouleversements biologiques provoquent de nouvelles sensations, le corps change ainsi que la maturité psychique. Il est essentiel, pour les parents, de reconnaître leur enfant dans ce nouveau "statut" et de respecter la personnalité qui se construit.
Lorsque la parole circule, lorsque que les parents écoutent les questions et les ressentis sans les juger ni les dénigrer, l’adolescent apprend à faire confiance à ses sensations. De même, si sa nouvelle intimité est respectée, il sera plus facilement à l’aise dans son corps, et donc dans ses futures expériences de nudité avec ses partenaires. Tous ces moments symbolisent l’acceptation et la confirmation que l’enfant a, en lui, le potentiel d’avoir du désir et du plaisir.
À l’inverse, les réactions qui l'humilient, le ridiculisent, stigmatisent des parties de son corps, dénigrent ses évolutions vestimentaires ou ses comportements amoureux le font souffrir, détruisent ses sensations, anéantissent la confiance et l’estime de soi. Le rapport au plaisir et au sexe sera donc problématique.
La première fois
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’expérience du premier rapport n’est pas déterminante dans la vie sexuelle, car elle n’est pas associée à la jouissance. Des enquêtes menées auprès d’étudiants montrent que cette étape doit répondre à certaines règles pour être réussie : qu’il y ait un coup de foudre réciproque, que l’acte soit précédé d’un certain temps de découverte de l’autre et qu’il soit suivi d’autres relations avec le même partenaire.
Le passé de l’individu et la construction de son rapport au plaisir et au sexe se révèle très souvent au cours de cette étape et peut mettre en évidence des blocages.
L’insatisfaction sexuelle
Elle est souvent révélatrice de difficultés plus profondes. Par exemple, une femme victime d’abus sexuels pourrait ne pas connaître la jouissance parce qu’elle refuserait inconsciemment "de leur donner ce plaisir" et connaîtrait ainsi une sorte de vengeance.
L’épanouissement sexuel est malheureusement souvent réduit à l’orgasme. Or, même si l’on ne considère que le plan biologique, il est prouvé que 80 % de l’excitation provient du toucher. Des millions de récepteurs se trouvent sur notre peau et permettent de capter le plaisir ; les caresses sont donc autant de stimulations.
De nombreux a priori entourent les pratiques sexuelles, dont celui de lier éjaculation et rapidité. Beaucoup considèrent que le plaisir de l’homme ne prend pas l’affectif en compte. Pourtant, lorsqu’on interroge des hommes qui se ressentent comme sexuellement satisfaits, ils décrivent tous l’inverse : ressentir de l’affection pour leur partenaire renforce le sentiment de virilité et d’être soi-même.
Une autre idée reçue consiste à penser que l’acte sexuel provoque une sorte de fusion des partenaires et une perte d’identité. Les individus sont ainsi amenés à restreindre leurs propres sensations et leurs propres envies, de peur de se perdre. Or, les sujets témoignent tous de l’effet positif, excitant, stimulant de la découverte de l’autre, d’une nouvelle relation et de nouvelles sensations de plaisir. La jouissance s’accompagne donc du sentiment d’être soi-même.
La pornographie
Bien que les jeunes soient constamment exposés à la pornographie, les pratiques sexuelles ne sont pas banalisées, surtout lorsqu’il s’agit de la première fois. Les films X présentent des situations systématisées, répétitives, dans lesquelles les pratiques sexuelles relevent de mécanismes. En réalité, il existe autant de plaisirs que d’individus différents et de couples.
Par ailleurs, notre corps et notre psychisme donnent une place primordiale à l’attente, alors que la pornographie décrit des plaisirs immédiats. Biologiquement, l’attente correspond au délai nécessaire à l’accumulation de la dopamine, elle est donc essentielle. Passer rapidement à l’acte ne permet donc pas d’accéder plus facilement au plaisir.
Enfin, les scènes présentées dans la pornographie au travers des films ou des magazines se basent principalement sur l’excitation visuelle. Pourtant, au niveau biologique, la vue n’est responsable que de 20 % de l’excitation, contre 80 % pour le toucher. On comprend donc toute l’importance des préliminaires dans l’accès au plaisir ; l’image des femmes jouissant lorsqu’elles sont pénétrées rapidement est donc globalement erronée.