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Qu’est ce que la liberté ?
Pour tenter de compléter notre article relatif à la question d’une liberté française, nous nous tournons, ici, vers des réflexions philosophiques et sociologiques.
Questionner la liberté
Les origines de la sociologie, d’abord définie comme une physique sociale, sont en lien avec la question de la liberté humaine dans la mesure où elle se pensait comme la recherche des lois ‘naturelles’, c'est-à-dire des déterminismes, qui expliquent les évolutions de la société.
Auguste Comte indiquait ainsi en 1839 : « En un mot, comme je l’indiquai dans mon écrit de 1822, la marche de la société ne s’explique pas, à proprement parler, suivant une ligne droite, mais selon une série d’oscillations, inégales et variables, comme dans la locomotion animale, autour d’un mouvement moyen, qui tend toujours à prédominer, et dont l’exacte connaissance permet de régulariser d’avance la prépondérance naturelle, en diminuant ces oscillations et les tâtonnements plus ou moins funestes qui leurs correspondent ».
A ces écrits, Adolphe Quételet, contemporain de Comte et père fondateur de la sociologie, répondit par l’utilisation de sa science, la statistique, dans l’étude de la société. Ce faisant, il conféra à la liberté un rôle particulier en introduisant le doute probabiliste avant de le nuancer, voire de le réduire à l’insignifiant : « L’expérience, en effet, prouva bientôt aux plus clairvoyants que les volontés individuelles se neutralisent au milieu des volontés générales » (1869).
A notre question « Sommes nous libres ? », nous serions donc tenter de répondre par la négative, notamment si l’on ajoute les pensées de Durkheim (éminent sociologue) relatives à son questionnement sur le caractère supposé ‘libertaire’ du libre arbitre de l’Homme : le mariage est « un acte solennel dans lequel la libre volonté devrait intervenir puissamment. Or les documents statistiques de l’époque relèvent à cet égard un navrant conformisme » (1975).
Liberté rime-t-elle avec contrainte ?
C’est étonnement l’interrogation qu’il advient à la lecture des écrits de Kant puisqu’il réussit non moins que de résoudre le dilemme de la liberté dans la contrainte. Pour ce faire, il s’appuie sur les liens entre liberté, morale et raison, en soutenant que la condition première de la liberté est sa soumission à la loi morale, sans laquelle l’Homme ne pourrait réfréner ses désirs et son amour-propre : « La liberté et la conscience de la liberté, en tant que conscience d’un pouvoir que nous avons d’agir, avec l’intention prépondérante d’obéir à la loi morale, c’est l’indépendance à l’égard des inclinaisons, du moins comme causes déterminantes (sinon comme causes affectives) de notre désir » (1788).
Pour Kant, la liberté de l’Homme ne peut donc se définir que dans une opposition entre raison et nature humaine, dont les ‘passions’ ne peuvent être contenues que par la loi morale. Ses réflexions le conduisent ainsi à affirmer que l’Homme sera d’autant plus libre qu’il sera ouvert à la contrainte morale, qui ne peut s’imposer qu’au travers d’un sentiment d’obligation.
Nous arrivons donc progressivement à la notion de ‘contrat social’ largement développé par Rousseau et qui se traduit succinctement par l’idée selon laquelle la liberté de tout à chacun est nécessairement limitée par celle des autres.
Ainsi donc, philosophes, sociologues puis politiciens, justifièrent, par l’étude même de la liberté, l’existence des règlementations sociales dont les évolutions construiront l’ensemble de nos lois, celles que nous n’hésitons pas à taxer rapidement de frein à notre liberté…