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Psychologue du travail : un vrai psy ? 2
La profession de psychologue du travail est relativement récente. Peu connaissent ce métier, peu médiatisé par ailleurs, quand d’autres l’assimilent à celui de psychologue, lequel, dans l’imaginaire populaire, est très largement associé à celui de psychologue clinicien. Nous avons donc entrepris de rédiger une série d’articles, dont celui-ci est le second volet.
Le psychologue du travail soigne-t-il ?
Lors de notre premier article, la situation rapportée et la prise en charge qui en avait résulté, tendaient à mettre en exergue l’action thérapeutique mis en œuvre par le psychologue du travail. En se basant sur cet exemple, on pourrait conclure qu’il s’agit d’un professionnel de santé comme ses homologues psychologues cliniciens. Il est pourtant des situations dans lesquelles les psychologues du travail n’ont pas leur place. Dans le cadre de leurs missions en service de santé au travail, il arrive notamment qu’on leur adresse des personnes victimes d’addictions ou encore de troubles du comportement.
Monsieur F. est adressé au psychologue à la suite d’un entretien disciplinaire organisé après qu’il ait insulté un collègue et renversé de colère le container de l’établissement. Au cours de l’échange avec les responsables et les représentants du personnel présents, des problèmes de santé furent mis en avant pour expliquer cet incident : Monsieur F. souffrirait d’une pathologie psychiatrique pouvant entrainer ce type de comportement. L’adresse au psychologue du travail a donc deux objectifs : pour l’encadrement, il s’agit de comprendre l’origine de l’incident afin d’adapter l’action à entreprendre (sanction versus accompagnement en faveur des personnes en situation de handicap), pour l’agent, il s’agit de se défendre dans le cadre de la procédure disciplinaire initiée.
Dans ce cas, et malgré les attentes émises à l’encontre du psychologue d’un côté comme de l’autre, l’orientation apparait obsolète. Face à une telle situation, la seule place possible pour le psychologue du travail est celle d’un lien entre le spécialiste clinicien ou psychiatrique, et celui des acteurs du monde du travail. En effet, dans ce cas spécifique, du fait des éléments apportés par le salarié demandeur, une prise de contact avec son médecin psychiatre a pu être réalisée. La confirmation du diagnostic obtenue a permis de répondre aux encadrants, qu’effectivement, il existait une pathologie dont l’une des conséquences pouvait se traduire par des difficultés relationnelles.
Les limites du positionnement
Sur la réponse immédiate, les responsables, représentants du personnel ainsi que le salarié concernés par la démarche disciplinaire ont été satisfaits de ce rôle d’intermédiaire joué par le psychologue du travail. Pour autant, il n’en est pas de même pour le professionnel : tout d’abord parce que le salarié n’a pas poursuivi sa démarche jusqu’à la déclaration d’une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, action qui aurait permis d’adapter son travail et son environnement professionnel à son état de santé (seul moyen pour éviter une répétition de l’incident). Ensuite parce que le salarié a usé de son état de santé pour justifier un comportement qui ne doit pas survenir sur un lieu de travail, principalement parce qu’il aboutit à l’agression d’un collègue.
Des cas similaires peuvent être observés face aux addictions : le salarié est adressé par l’entourage professionnel, soit dans un registre d’inquiétude et de demande de prise en charge, soit dans un registre disciplinaire. Pour autant, là encore, le psychologue du travail ne dispose pas des compétences nécessaires à la prise en charge thérapeutique et peut uniquement se contenter d’une mise en relation avec le professionnel compétent prenant en charge. De plus, son action est soumise à l’adhésion du salarié. Sans elle, aucun entretien ne sera réalisé alors même que le service de santé sera interpellé par l’équipe toujours aux prises avec les conséquences du trouble de leur collègue.
Les pathologies du travail
Madame R. est adressée au psychologue du travail par le médecin du travail. A son arrivée, elle remet un courrier de ce dernier précisant la raison de l’orientation : il s’agirait de « l’aider à se détacher de son travail et à canaliser ses émotions ». Mettant immédiatement de côté cet écrit qui sonne comme un jugement porté sur l’individu et en aucun cas sur sa situation de travail ni même son état de santé, le psychologue du travail, de par sa posture et sa compréhension des liens entre le travail et la santé, remet le métier au cœur de l’entretien.
Ce faisant, il sollicite la parole du professionnel, l’encourageant à ramener à la conscience les différents évènements de sa carrière. Cette approche a permis d’objectiver un ensemble de changements survenus dans l’organisation du travail, dans la composition de l’équipe de Madame R, un turn-over d’encadrants et enfin une modification conséquence de ses objectifs professionnels. Ces bouleversements avaient entrainé une atteinte de l'identité professionnelle, une remise en question des compétences ainsi qu’un conflit éthique. La prise en charge a donc offert de mettre en sens les tensions ressenties par la salariée, en comprenant en quoi son environnement professionnel était désormais en dissonance avec ses propres valeurs et positionnements. Cette mise en sens a permis, en retour, en prise de distance émotionnelle, le sujet ne se sentant plus questionné. Dans cette situation, c’est bien le regard du psychologue du travail qui s’est avéré pertinent pour accompagner le salarié.
En conclusion
Il est fort difficile de statuer sur une question aussi tranchée que la réalité du soin apporté par un psychologue du travail, d’une part, parce qu’il existe une très grande variété des situations sur lesquelles on lui demande de se positionner, et d’autre part parce que son métier, nouveau dans les entreprises et les services de santé au travail, nécessitera encore plusieurs années d’expériences pour parvenir à se stabiliser.
Il est toutefois possible, au regard des situations évoquées, de proposer une piste de réflexion : lorsque la problématique concerne une difficulté, un trouble voire une pathologie dues au travail, la prise en charge thérapeutique par le psychologue du travail est pertinente car il est le seul à comprendre les liens entre travail et santé. En revanche, lorsque l’origine des difficultés n’est pas issue du travail, alors, le rôle du psychologue du travail s’oriente davantage vers celui d’un liant entre le spécialiste compétent et les acteurs du monde du travail, dans une optique d’adaptation du travail à l’Homme (et non l’inverse). En ce sens, cette distinction appelle un travail de différenciation entre les causes et les conséquences des troubles : travail causant les troubles versus troubles impactant le travail.