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Psychanalyse, dessin automatique et art-thérapie
Regner, peintre et graveur, découvrit le dessin automatique lors de ses lectures psychanalytiques, alors qu’il traversait une grave dépression.
Naissance et développement
Regner considérait la psychanalyse comme une découverte capitale ‘dans le monde des esprits’, l’inconscient étant pour lui « la terre inconnue que les gens qui cherchent doivent explorer ».
Il tenta de transposer dans la peinture, les associations de mots par lesquelles l’inconscient s’exprime au cours de la cure psychanalytique. Il entreprit donc de réaliser des dessins automatiques lors de ses réveils nocturnes, dans un état intermédiaire entre le sommeil et l’éveil. Le lendemain, Regner entreprenait de se ‘projeter’ dans ses ‘gribouillis’ en peignant ‘par-dessus’ eux des teintes et formes ‘écrans’.
Symboliquement, les travaux de Regner supposaient un inconscient sur le point d’être découvert, caché entre les ‘gribouillis’ mais toujours présent puisqu’il subsiste sous des ‘écrans’.
Le processus de création
Comprendre les phénomènes à l’œuvre dans le cadre de l’art-thérapie nécessite tout d’abord de s’intéresser aux mécanismes qui aboutissent à la création. Selon les artistes, les origines de la création sont diverses : il s’agit de rassembler et de lier des ‘choses’ existantes, de les envisager sous des angles différents, de mettre en forme des souvenirs et des impressions accumulés dans le temps et l’espace.
L’acte créatif requiert également l’inspiration, cette énergie qui précipite l’artiste devant son instrument. Selon les auteurs, elle prend appui dans l’environnement (dans le miroir constitué par le public), dans des contraintes (délais de réalisation imposés) ou dans le groupe.
La création émane donc d’un dialogue de l’artiste avec lui-même au travers d’un médiateur (peinture, musique, sculpture…) à différents niveaux conscient, préconscient et inconscient. Elle exploite des éléments existant ou ayant existé d’ordre réel, symbolique ou imaginaire et se définit comme la liberté d’expression d’une pensée décalée induisant un mécanisme de changement, sous l’effet d’une ‘mise en tension’ qui crée l’inspiration et la met en mouvement.
Selon Arthur Koesther, « l’acte de création ne crée pas à partir de rien : il découvre, sélectionne, remanie, combine, synthétise des faits, des idées, des facultés et des aptitudes qui existent déjà » (1980). Ainsi les ressources du sujet sont exploitées au travers de l’activité créatrice, existante chez tout à chacun mais souvent limitée faute de méthodes.
Art et psychanalyse
Les travaux de Didier Anzieu sur le travail psychique à l’œuvre dans le processus créatif l’amenèrent à décrire cinq étapes.
Le ‘saisissement du créateur’ correspond à la faculté de l’artiste de se saisir d’un mouvement de régression interne faisant apparaître des représentations archaïques. Il précède un travail de prise de conscience des représentants psychiques inconscients et leur intégration au niveau préconscient.
L’artiste exploite ce matériel au travers de l’institution d’un code, méthode de transformation des objets psychiques. Le processus de composition proprement dit met en œuvre ces éléments au travers du passage dans l’instance du Surmoi. Enfin, un processus de distanciation intervient entre l’auteur et son œuvre lors de sa présentation à son public.
Axes thérapeutiques
L’utilisation du dessin permet au thérapeute d’exploiter une forme de langage autre que le verbal au travers d’outils médiateurs représentés par la toile, les couleurs ou les formes. Cette aire intermédiaire, en référence à Winnicott, permet de réduire les tensions entre un ‘dedans’ non verbalisable, et un ‘dehors’ parfois inacceptable. Dés lors, l’œuvre tient un rôle de contenant et de pare-excitation.
Pour le thérapeute, les activités artistiques offrent également la possibilité d’exploiter les potentialités du groupe. Largement développé dans les travaux de Kaës sur l’appareil psychique groupal, le groupe peut en effet, en travaillant sur la même œuvre, offrir une protection du ‘je’ fusionné dans le ‘nous’ et permettre d’aborder les limites entre le ‘moi’ et le ‘non moi’.