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Police nationale, le malaise invisible
Alors que l’opinion publique est régulièrement alertée sur les souffrances au travail et que les politiques et autres acteurs de la santé commencent à traiter la question des risques psychosociaux, les policiers souffrent, et souffrent depuis longtemps.
Le policier : un être humain ?
A n’en pas douter, la police est certainement l’une des professions suscitant le plus de crainte, de haine, d’admiration, d’a priori et disons-le de fantasme. Il faut dire que notre imaginaire est assailli dès le plus jeune âge par des représentations plus ou moins réalistes ou romancées de ces hommes (et de ces femmes) luttant pour la justice, prêts à donner leur vie pour protéger les plus faibles, et qui parfois, sombrent du côté de la délinquance et pervertissent alors les pouvoirs dont ils disposent.
Si l’on possède tous une opinion sur la police, c’est parce que chacun y a déjà eu affaire mais c’est surtout parce qu’elle représente une autorité envers laquelle nous avons tous un rapport spécifique: soumission, obéissance, défi, rébellion… Et bien entendu, les policiers sont des instruments de pouvoir du gouvernement à la tête de la nation et représentent donc la puissance d’une autorité supérieure avec laquelle certains seront plus en accord que d’autres.
La police n’est donc pas un métier comme les autres. Pour autant, cette réalité doit-elle être transférée sur le sujet qui exerce cette profession et affirmer ainsi que le policier n’est pas un Homme comme les autres ? Certes non. Alors considérons quelques instants, ces hommes et ces femmes, dont le métier les place quotidiennement en situation d’urgence, face à des dangers multiples, dans un rôle de contrôle, de sanction et de contrainte, face à un public de plus en plus critique voire haineux et agressif et dont les missions les amènent à côtoyer la mort, le sale, le déchet, la détresse et la misère humaine, sociale, morale…
Un déséquilibre entre plaisirs et souffrances au travail
Tous les métiers renvoient à des contraintes, celles-ci seront d’autant plus nombreuses que les activités comporteront une grande part de relationnel tant en interne de l’organisation qu’en externe, auprès d’un public : quel que soit le milieu professionnel considéré, le monde ne se laisse pas facilement transformer au grès des envies et besoins du salarié ; l’autre d’autant moins… C’est ce que l’on nomme le principe de réalité.
Pour faire face aux différentes contraintes de son métier, chacun doit y trouver une rétribution et des plaisirs : autonomie dans la tâche, reconnaissance et valorisation, collectifs de travail soudés et dynamiques, liens et transmissions transgénérationnels effectifs, possibilité de mettre en œuvre des stratégies de préservation de la santé…
Organisation tentaculaire, la police nationale est aussi l’une des institutions les plus importantes de France. Fondée sur le modèle des grandes écoles administratives françaises, elle se déploie selon un modèle taylorien dans lequel les concepteurs des politiques de sécurité publique sont nettement séparés des policiers de terrain. Comme le montra la mise en place de la police de proximité au sein de la préfecture de police de Paris (élaborée dans un bureau par un comité restreint de hauts dirigeants de l’administration), l’opinion des agents de terrain n’est que peu écoutée, pas plus que celle du citoyen d’ailleurs …
Mais le citoyen lui, ne risque pas sa vie tous les jours pour faire respecter la loi, il ne s’est pas investi durant des années dans un métier si exigeant, il n’a pas acquis ces compétences qui font de lui un professionnel … Non seulement l’administration est fermée aux changements amorcés et proposés par la base, mais elle oriente son activité, non pas pour faciliter le travail des policiers, mais pour le contrôler.
Pour preuve, on citera la multiplication des procédures censées codifier la moindre situation susceptible de se présenter aux agents et qu’ils devront alors suivre à la lettre, ou l’obligation qui leur est faite de rentrer au poste rédiger un rapport après chaque intervention ou bien encore l’absence de pratiques managériales visant à fidéliser les plus anciens, et donc les plus expérimentés afin de conserver leurs compétences ; signe, s’il en est, que chaque policer, pour l’administration, est interchangeable.
Politique du chiffre et ‘sale boulot’
Si un métier porteur de sens et dans lequel l’individu se reconnaît, est source de valorisation de soi, de plaisirs et ouvre la voie de la sublimation, une organisation du travail qui contraint l’agent à faire du ‘sale boulot’ aboutit irrémédiablement à la souffrance. La frontière entre ‘travail’ et ‘hors-travail’ n’a en effet pas de réalité du point de vue du fonctionnement psychique. Faire du sale boulot, c’est réaliser de mauvais gestes de travail ; le registre du faire étant renvoyée dans le registre de l’identité, c’est se contraindre à porter une identité bafouée.
Pour les policiers, le BEAU métier, c’est celui qui consiste en un véritable travail d’investigation et qui permet de faire une ‘belle affaire’, c’est celui qui aboutit à l’arrestation des ‘cerveaux’ du réseau et non à celle des petits revendeurs, c’est celui qui permet d’appliquer la loi de façon impartiale car elle protège les plus faibles et pourchasse les agresseurs.
Dans la police nationale, la culture du chiffre est bien différente de cet idéal de métier : jaugés sur leurs seules statistiques, les services et les agents, se doivent de faire du ‘crâne’, des petits bâtons : un bâton statistique pour un acte quel qu’il soit. Une belle affaire, ça nécessite du temps, des investigations… mais un seul bâton en fin de compte !