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Peau et psychisme
Organisme naturellement contenant, la peau délimite l’intérieur de l’extérieur et définit le sentiment d’unité physique et psychique. Fondamentale pour le nourrisson, elle n’en reste pas moins un repère constant pour les adultes que nous sommes.
Fonctions organiques et développement psychique
Anzieu, dans son célèbre livre ‘Le Moi-peau’ paru en 1985, développa l’idée freudienne d’un Moi comme entité de surface en démontrant un parallèle entre le développement psychique et les fonctions organiques de la peau.
La peau est tout d’abord une enveloppe physique, ferme et élastique, qui contient notre corps mais elle est aussi protectrice en avertissant des dangers tels que les brûlures, en amortissant les coups ou encore en régulant notre température : la peau est donc un ‘pare-excitation’.
Elle est aussi sélective puisqu’elle permet une régulation entre les éléments externes et internes (elle laisse passer l’air mais pas l’eau…) et permet l’interconnexion des sens tels que la vue, l’odorat ou le toucher. La peau est également érogène et contribue à la vie sexuelle.
Enfin, elle est le support de notre identité : elle indique les filiations par la ressemblance des traits ou la transmission de signes distinctifs tels que les tâches de naissance ; elle indique l’âge, la race mais aussi l’état de santé. C’est également la peau, au travers des empreintes digitales, qui certifie notre individualité.
Entre régénération et autodestruction
Souvent dénigrée et oubliée par chacun d’entre nous, la peau recèle pourtant des capacités enviées de tous les Hommes. Le derme a en effet l’aptitude de se régénérer au travers du processus de cicatrisation.
A l’inverse, elle est aussi capable de se détruire elle-même lors des atteintes somatiques telles que l’eczéma, les allergies, les maladies auto-immunes ou encore l’acnés.
La peau semble donc être le réceptacle organique des processus psychiques de pulsion de vie et de pulsion de mort.
Langage et fonctions psychiques de la peau
Une rapide recherche autour des utilisations de la peau dans notre langage quotidien démontre, si cela était encore nécessaire, les liens entre l’organe et nos existences physiques et psychiques.
‘Etre bien dans sa peau’, ‘sauver sa peau’, ‘risquer sa peau’, ‘faire peau neuve’, s’e mettre dans la peau de l’autre’, ‘avoir quelqu’un dans la peau’, ‘prendre par la peau du cou’, ‘avoir sa peau’, ‘lui trouer la peau’, ‘lui faire la peau’, ‘avoir la peau dure’ etc…Toutes ces expressions témoignent du passage entre la réalité de la peau et la vie psychique.
Nos expressions témoignent également de la fonction de définition du ‘je’ de la peau : ‘en son for intérieur’, ‘en moi-même’ ou encore ‘être hors de soi’, ‘sentir que les choses nous échappent’, ‘avoir des trous’…La peau représente ainsi notre contenant, dont nous sommes à la fois maître et prisonnier et qui est parfois débordé.
Enveloppe psychique et trauma
Selon la théorie des enveloppes psychiques, le trauma apparaît comme une déchirure par un corps étranger, supprimant alors la fonction d’interface sélective et de pare-excitation de l’enveloppe : dans le syndrome post-traumatique par exemple, le sujet devient incapable de se couper des reviviscences, c'est-à-dire des excitations extérieures.
De même, les scarifications et auto-mutilations, fréquentes chez les adolescents, témoignent du lien entre troubles liés à l’identité (au ‘je’) et attaque de la peau comme enveloppe du soi.