Partage des tâches ménagères : le mythe de l’égalité

Dans la plupart des couples modernes, l’égalité est affichée comme une valeur de référence. On se veut partenaires, équitables, loin des anciens schémas déséquilibrés. Pourtant, derrière le discours, la répartition des tâches ménagères reste un terrain glissant. Ce n’est pas seulement une question de « qui fait quoi », mais un espace où se rejouent pouvoir, reconnaissance et héritages inconscients.
L’illusion d’un partage objectif
Sur le papier, l’idée d’un partage équitable semble simple : chacun fait sa part. Mais la réalité est souvent plus subtile. Il ne s’agit pas seulement de quantité mais de charge mentale, d’anticipation, d’invisibilité de certaines tâches. Celui qui « aide » l’autre sans se sentir responsable reproduit sans le savoir des schémas inégalitaires sous couvert de bonne volonté. Ce décalage n’est pas toujours conscient, mais il révèle une différence profonde dans la manière de percevoir l’espace domestique.
L’espace domestique comme territoire psychique
La maison n’est pas qu’un lieu physique ; c’est un espace symbolique où se projettent des représentations culturelles, familiales et affectives. Pour certains, entretenir cet espace est naturel, presque automatique. Pour d’autres, c’est une contrainte extérieure à leur sphère d’investissement. Cette différence d’engagement inconscient explique pourquoi le partage réel est souvent déséquilibré, même dans les couples se revendiquant égalitaires. Ce n’est pas une mauvaise volonté, mais un rapport différent à la responsabilité invisible.
La charge mentale : ce qu’on ne voit pas mais qui pèse
Organiser, penser, prévoir, rappeler : toutes ces tâches immatérielles échappent souvent à l’évaluation classique du partage. Celui qui porte la charge mentale est rarement celui qui en parle, parce qu’il l’a intégrée comme une évidence. L’autre peut sincèrement croire qu’il « participe », sans percevoir tout ce qui précède l’action concrète. Ce flou alimente frustrations et malentendus, d’autant plus difficiles à nommer qu’ils touchent à des zones implicites du fonctionnement du couple.
Le mythe de l’égalité parfaite
Vouloir une égalité arithmétique dans le quotidien relève souvent d’une quête illusoire. L’équilibre ne se mesure pas en heures passées mais en reconnaissance et en ajustements conscients. Le danger réside dans l’idée qu’un système juste s’installe de lui-même, sans négociation continue. Or, l’égalité réelle suppose une vigilance permanente, une remise en question des automatismes et des héritages culturels qui s’infiltrent malgré nous.
Vers un équilibre plus lucide
Plutôt que de chercher un partage parfait, il est plus fécond d’interroger ce que chacun projette sur les tâches du quotidien. Pourquoi certaines choses « reviennent » toujours à l’un ? Que signifient ces répartitions pour chacun ? La clé réside dans la capacité à rendre visible ce qui ne l’est pas, et à sortir de la logique du décompte pour entrer dans celle de la co-responsabilité. Ce n’est pas l’égalité stricte qui nourrit le couple, mais la sensation partagée d’être vu, reconnu et respecté dans l’effort quotidien.