Les yeux gastronomes
La façon dont nous percevons la saveur des aliments résulte d'une alchimie où nos sens (la vue, l'odorat, le goût), notre culture et notre histoire se conjuguent subtilement, parfois à notre insu. Les yeux participent, plus qu'on ne se l'imagine, à cette expérience.
L'aspect de la nourriture
La vue est le premier sens, parfois combiné à l'odorat, qui nous renseigne sur ce que nous mangeons. Toute maman en a fait l'expérience: l'aspect de la nourriture proposée génère d'emblée refus ou acceptation chez l'enfant. Non pas qu'il connaisse toujours la saveur précise de l'aliment présenté mais, par déduction, il l'associe à une famille alimentaire qu'il apprécie (le sucré) ou qu'il rejette (les légumes verts). C'est pourquoi, les nutritionnistes insistent sur le fait qu'apprendre la nutrition à son enfant passe par une touche ludique ou colorée dans l'assiette. Les chefs l'ont bien compris qui ornent les assiettes de telle façon qu'un climat alléchant s'en dégage.
Les stimuli visuels nous parlent
La nouvelle cuisine s'est vue fustigée par certains qui lui reprochent de servir de façon disproportionnée l'esthétisme culinaire au détriment du goût lui-même, et de la quantité. Des études scientifiques voient le jour qui s'attachent à comprendre l'impact des stimuli visuels sur le goût que nous trouvons aux aliments. Il est bien connu que "nous mangeons avec les yeux": nous détectons la fraîcheur de l'aliment, nous jugeons de l'agencement des aliments dans l'assiette, nous trouvons les couleurs attrayantes ou parfois repoussantes, nous évaluons la cuisson et même le soin avec lequel l'aliment a été préparé et servi jusque dans notre assiette. Tous ces facteurs rentrent en compte dans la saveur que nous accordons à un aliment.
Réapprivoiser notre vue
Il semblerait que nous utilisions notre vue pour classifier les aliments en 2 catégories: ceux qui seraient "bons" suivant nos critères et ceux qui ne le seraient pas. De même, des expériences menées avec des personnes qui mangeaient les yeux bandés ont montré que quand la vue n'intervenait pas, les personnes mangeaient moins car elles se sentaient rassasiés et elles faisaient davantage attention à ce qu'elles mangeaient. Sans doute serait-il judicieux de réapprivoiser notre vue pour qu'elle devienne un outil supplémentaire et complémentaire dans nos plaisirs épicuriens. Une vue qui ne soit pas réductrice mais qui participe activement à notre capacité à savourer ce qui se trouve devant nous.