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Les violences du quotidien
Malgré la communication récente sur les violences psychologiques, le harcèlement moral au sein du couple est encore trop souvent banalisé.
Ce que dit la loi
Le 25 février dernier, l’Assemblée nationale a adopté le texte de loi sanctionnant « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie susceptible d'entraîner une altération de sa santé physique ou mentale ».
Les peines maximales proposées sont de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, elles seront soumises à l'appréciation des juges, chargés d'établir, au moyen d'expertises, l'existence du harcèlement psychologique et de ses conséquences sur la victime.
Le déséquilibre narcissique
Des relations psychologiquement violentes naissent et se développent à partir d’un net déséquilibre entre les narcissismes des deux partenaires, l’agresseur dispose d’une très forte estime de lui-même, il est persuadé d’être supérieur aux autres et surtout à son conjoint. Ce-dernier, en revanche, a tendance à facilement douter de lui, il souffre d’une faible image de lui et est facilement enclin à la culpabilité.
L’agresseur ou pervers narcissique, insensible à tout affect, exploite les sentiments de son partenaire pour développer et asseoir son emprise dans un double mouvement de domination et de maintien de l’autre à distance. En effet, il craint et rejette toute relation affective synonyme pour lui, de dépendance.
La grande tolérance de la victime aux attaques systématiques du pervers permet le développement de son emprise mais l’existence de processus inconscients masochistes ne suffit pas à expliquer de telles relations. D’autres hypothèses s’orientent vers les phénomènes de répétition transgénérationnelle dans lesquels un enfant peut être amené à endosser le rôle de sujet-réparateur du narcissisme de l’autre.
La violence perverse
Essentiellement dans le non-respect de l’autre, la violence perverse est indirecte. Elle consiste souvent en un soudain retrait d’amour de la part de l’agresseur, qui, incapable de prendre ses responsabilités, attribue sa rupture à un comportement de l’autre. M.F. Hirigoyen (1) donne ainsi l’exemple de Monique et Lucien mariés depuis trente ans. Au bout de 6 mois de relation adultère, il annonce la vérité à sa femme et précise qu’il ne peut choisir. Monique refuse cette situation, il part. Rapidement, il lui demande de déjeuner avec elle, affirmant que s’ils ne se voient pas, il risquerait de partir pour toujours. Mais il interdit à sa femme d’apparaître déprimée, sans quoi, elle ne lui donne pas envie de rester…
Le détournement de l’humour apparaît comme un autre outil de la violence perverse « Les femmes sont castratrices, futiles, insupportables, mais on ne peut pas s’en passer ! » (p30). Pour être plus déstabilisant et renforcer le sentiment de honte de sa victime, le pervers n’hésite pas à critiquer ouvertement son conjoint en public, toujours sous le couvert d’une ‘blague’ : « Vous ne saviez pas qu’elle dépense de l’argent à s’acheter des crèmes pour raffermir des seins qui n’existent pratiquement pas ! » (p31).
La communication perverse
Elle consiste à utiliser la parole de façon stratégique pour provoquer un sentiment ou une réaction précise chez son interlocuteur. C’est le cas, par exemple, des actes destinés à transposer une humeur sur l’autre afin de pouvoir lui retourner des critiques : Paul rentre quelques minutes avant Anna et s’assit directement devant la télé. Lorsqu’Anna arrive, il ne répond pas à son bonjour et, sans tourner la tête, demande froidement « qu’est ce qu’on mange ». Si Anna manifeste de l’irritation, Paul pourra alors lui retourner « tu vois, tu cries déjà à peine rentrer ! »
Pour déstabiliser son partenaire, le pervers refuse systématiquement toute communication directe, de façon à maintenir l’autre dans l’ignorance et à intensifier son angoisse. Tout reproche ou conflit sont niés, rendant donc toute défense obsolète : « Tu m’aimes ? demande Julie. Frédéric poursuit alors son activité en haussant les épaules et en soufflant. Surprise, Julie demande une explication. Frédéric s’énerve : « Mais non, je ne t’ai pas entendue ! C’est ce truc là qui m’énerve ».
Le langage est également perverti, les mots transposant l’amour ou les compliments s’accompagnent de mimiques exprimant la colère ou le dégoût alors que les taquineries sont dites sur le ton de la plaisanterie avec des gestes de tendresse. Tout message devient paradoxal, le secret est omniprésent comme le mensonge.
(1)M.F. Hirigoyen, Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien, Ed. Syros, 1998