Difficulté de lecture : 3 / 5
Les talk show remplacent les émissions politiques
Les années 1980 ont été marquées par la popularité de grandes émissions politiques hebdomadaires. Ces rendez-vous rassemblaient plusieurs millions de téléspectateurs, offrant la possibilité à chacun de se forger une opinion sur une personnalité politique majeure et de mieux connaitre les sujets de société et autres enjeux démocratiques…
7 sur 7 : une institution française
Il s’agissait tout d’abord de 7 sur 7, longtemps animée par Anne Sinclair (le dimanche soir à 19h00). Cette émission s’avérait incontournable dans la rencontre de ses principaux hommes politiques avec le peuple français. Menée de main de maitre par Anne Sinclair, les sujets d’actualité et de fond étaient abordés avec professionnalisme, discernement et respect de l’invité. Jacques Delors y déclara officiellement sa non candidature à l’élection présidentielle tandis que Gainsbourg y brûla les 74% de son billet de 500 francs (pour protester contre le niveau d’imposition qu’il estimait alors exorbitant…). 7 sur 7 a progressivement été remplacée par une émission de reportages « proche des gens » (Sept à huit) très éloignée de sa dimension politique initiale…
L’heure de vérité de François Henri de Virieu
Autre émission de grande qualité, L’heure de vérité était diffusée le jeudi soir à 20h30 – chaque semaine sur Antenne 2. Elle mettait à l’honneur un invité politique autour duquel gravitait plusieurs interviewers, analystes politiques ou autres journalistes de renom. Parmi ceux-ci, le brillant Alain Duhamel, qui alliait dextérité langagière et fines analyses du jeu politique (mais également Albert du Roy ou encore Jean-Marie Colombani). Nouveauté pour l’époque, les téléspectateurs pouvaient également poser des questions à l’invité (l’émission se déroulant en direct). L’heure de vérité en durait en fait plutôt 2 (heures) et permettait d’entrer, en profondeur, dans les sujets majeurs de la vie politique et citoyenne du pays. L’émission ne fut plus diffusée à compter de juin 1995. Aucune autre émission politique hebdomadaire n’est désormais proposée sur la chaine ; France 5 propose néanmoins, depuis la rentrée 2009, "C Politique" animée par Nicolas Demorand (le dimanche en fin d'après midi).
L’avènement du Talk Show comme format télévisuel
Venue des Etats-Unis, la mode des Talk Show connait un succès grandissant en Europe et en France. Mélange de divertissement, de reportages, d’invités ou encore de séquences humoristiques, son avènement marque l’entrée dans une nouvelle ère médiatique, celle de l’Entertainment. Popularisée par Nulle Part Ailleurs, émission emblématique de la fin des années 80 (animée par Philippe Gildas et Antoine de Caunes), ce type de programme s’est ensuite élargit à des publics et cibles variés (Tout le Monde en parle de Thierry Ardisson, On a tout essayé de Laurent Ruquier ou encore, plus récemment, Le Grand Journal de Michel Denisot...
Les politiques contraints de s’afficher dans les talk show
S’ils veulent exister médiatiquement, les hommes politiques n’ont désormais d’autres choix que de participer à des Talk show dont ils partagent la vedette avec des chanteurs, comédiens ou autres People en vue. L’un des plateaux les plus courus du moment, Le Grand Journal (sur Canal Plus), réalise la plus forte audience de la chaine. Il offre, pêle-mêle, des interviews, séquences décalées, chroniques caricaturales (Le Petit Journal de Yann Barthez par exemple). De fait, l’invité politique est cantonné à une apparition minutée, souvent hachée et entrecoupée par des coupures publicitaires. Les quelques moments réservés à l’interview « sérieuse » sont menés, tambour battant, par une série d’animateurs et ou chroniqueurs (Michel Denisot, Ariane Massenet, Ali Badou et Jean Michel Apathie) dans un climat souvent pressant. Le politique est le plus souvent mis sur la sellette, poussé dans ses retranchements sur des questions le plus souvent polémiques, rarement bienveillantes et pas toujours argumentées.
Il en ressort une impression de rencontre à la va-vite, de confusion des genres (entre l’action politique, le monde médiatique, le show biz…) et de rapport assez accusatoire aux dirigeants politiques. Les questions de fond, rarement abordées, laissent place aux petites phrases du jour, aux répliques faciles (des journalistes) voire aux commentaires lapidaires sur la prétendue « langue de bois » des invités… La débat démocratique et la réflexion n’en ressortent probablement pas grandis.