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Les suicides liés au travail
Largement médiatisé lors des évènements tragiques survenus chez France Telecom, le suicide au travail n’en est pas moins un phénomène ancien.
Critique de la pensée causale
Elle se définit comme le fait de relier tout évènement à une cause ou à un enchaînement de causes. Fortement inscrit dans l’histoire de nos sociétés occidentales, ce déterminisme peut conduire à des raisonnements simplistes recouvrant soigneusement une réalité multifactorelle.
L’étude des suicides au travail n’échappant pas à ce mécanisme de défense, il nous semble nécessaire (mais non suffisant) de réserver son jugement quant aux explications unilatérales qui feraient porter la responsabilité du suicide aux seules conditions de travail.
Bien sûr, nombre de praticiens et chercheurs critiquent vivement les pensées internalistes qui visent à expliquer le suicide par une incapacité de l’individu à faire face aux conditions de travail ‘à cause’ de failles personnelles ravivées. En effet, cette hypothèse, si elle présente l’intérêt de dégager la responsabilité des cadres de l’entreprise, définit surtout le suicide comme l’acte isolé d’un individu alors qu’il s’agit d’un fait de société. Emile Durkheim, père de la sociologie avec Auguste Comte, affirme bien que ‘La cause déterminante d’un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents et non pas dans les états de la conscience individuelle’.
L’environnement professionnel doit donc être questionné lorsqu’un suicide se produit en relation avec le travail. 'En relation et non sur le lieu de travail' semble en effet une nuance importante car se donner la mort en dehors des murs de l'entreprise, n’exclut pas celle-ci des causes probables (pourtant, les statistiques ne comptabilisent que les décès survenus sur le lieu de travail). Mais il ne doit pas être le seul élément mis en accusation car bien évidemment, les histoires individuelles, familiales, relationnelles etc… font partie de l’équation.
L’interchangeabilité ou la non reconnaissances des compétences
Bien avant France Telecom, une "épidémie" de suicides avait eu lieu dans les années soixante-dix dans les usines Renault. D’abord explicitée comme un effet pervers des ‘sociétés heureuses’ sous prétextes qu’on ne se suicidait pas dans les entreprises en difficulté, les pratiques managériales ont ensuite été remises en question.
Parmi les décisions hiérarchiques mises en cause, celles tendant à nier les plus values individuelles au profit de l’interchangeabilité, sont reconnues comme particulièrement destructurantes pour les salariés qui disposent de grandes compétences basées sur une expérience significative dans l’entreprise et ayant une haute opinion de leur métier. Remplacer des individus, c’est leurs signifier que leur place n’existe plus, ni dans l’organisation, ni dans le collectif de travail, ni dans la profession. C’est leurs dire que leurs années de travail ne sont rien, que leurs compétences ne sont rien et finalement qu’eux-mêmes ne sont rien.
Le ‘tout gestion’
Sous l’effet de la mondialisation, des pressions financières et de la recherche de la qualité totale, le travail a été disséqué pour être rentabilisé.
Quel exemple plus flagrant que la comptabilité analytique appliquée aux activités sociales ! En effet, dans certain centres de bilans de compétences, composés de psychologues du travail et autres travailleurs sociaux, le processus de reconversion, la maturation d’un projet professionnel, tout est codifié : temps de face à face, temps de réflexion personnelle du bénéficiaire, temps de passation des tests, mais aussi pour le consultant, temps de correction et d’interprétation des questionnaires, temps de restitution, temps de recherches d’informations sur un métier, de mises en relation faites auprès de professionnels ou d’écoles, temps de rédaction de synthèse etc… La moindre minute est décomptée et rapportée au prix facturé afin de vérifier que la marge financière souhaitée est bien atteinte.
Quid des échanges entre psychologue et bénéficiaire ? Quid des processus psychiques à l’œuvre ou encore des transferts existants entre les protagonistes ? Cela, ça n’est pas comptabilisé car c’est tout simplement nié par l’organisation du travail.
Bien sûr, cette réalité numérique est virtuelle, alors chacun, dans sa volonté de réponse aux besoins de son bénéficiaire et d’écoute des souffrances, tente de s’adapter mais augmente d’autant sa charge mentale. Chaque confrontation à la réalité produit tensions et frustrations, chacun lutte pour (re)trouver son espace vital dans son travail, quitte à risquer de se suicider s’il n’en reste plus...