Les préliminaires sont-ils obligatoires?

Assurément, l'humanité n'a jamais autant parlé de la sexualité que dans nos sociétés du "voir". Pas une semaine ne se passe sans que des magazines, des émissions de télé ou de radio ne mettent la sexualité en vedette. Pour autant, il ne faudrait pas croire que la sexualité ainsi mise en lumière cesse de questionner l'homme contemporain. En effet, le concept de sexualité va bien au-delà du rôle reproducteur de l'acte sexuel chez l'animal et suppose un travail de réflexion et de construction. Parmi tous les actes sexuels possibles, les préliminaires sont régulièrement au centre de nos préoccupations. Sont-ils conseillés, nécessaires, obligatoires ?
 

L'étymologie latine de "préliminaires" signifie "avant le seuil" et suppose une double compréhension : géographique (seuil) et temporelle (avant). Elle évoque de plus une action, celle d'entrer. Les préliminaires sont donc les actes sexuels précédant la pénétration. L'imagination érotique nous aide à énumérer toutes les actions pouvant entrer dans la case des préliminaires. Du baiser à la caresse en passant par le cunnilingus ou la fellation (la pénétration qu'elle accomplit est minorée dans nos sociétés), les préliminaires ne se laissent pas saisir facilement. Ils sont polymorphes. Aussi variés soient-ils, quelle place doivent-ils occuper dans nos sexualités ?
 

Alors que les coachs sexuels nous proposent une vision de la sexualité reposant sur des savoir-faire, doit-on apprendre par cœur les manuels pratiques du parfait partenaire sexuel ? Notre sexualité et la façon dont nous la construisons est affaire de goûts et surtout de désirs. Le préliminaire n'échappe pas à cette règle. Et le désir est ce que nous avons de plus intime et de plus personnel. Aucun désir n'est jamais né d'une obligation ou d'une demande du partenaire. Mais au-delà de la réalisation du désir, les préliminaires ont une fonction : créer un premier contact entre les amants. Ils ne peuvent occuper la même place pour les deux amants puisqu'il n'y aura qu'un partenaire pénétré, une le plus souvent.
 

Alors que l'homme peut rapidement accéder à la pénétration, il en va autrement de la femme dont le corps doit s'adapter physiologiquement à celle-ci. L'exemple de la lubrification est à ce titre très parlant. Pour que la pénétration puisse donner du plaisir à la femme, il est nécessaire qu'une lubrification suffisante ait pu s'installer. Ce n'est pas instantané. Or les hommes notamment les jeunes sont tiraillés par une problématique opposée, celle de ne pas jouir trop précocement. Ils préfèrent alors se passer de préliminaires afin de ne pas risquer un plaisir intense qui signerait pour eux la fin de l'acte sexuel.
 

Pour accueillir l'autre en soi, il est nécessaire de sentir du respect et de la confiance. Cette confiance naît de la connaissance qu'on a de l'autre et de son corps. Elle passe par nos sensations tactiles, olfactives, gustatives... Cette différence des vécus est responsable de ce que nous sommes rarement dans la même temporalité entre amants. S'il est aisé pour un homme d'être excité et disponible à l'acte sexuel dans l'instant, la femme dont la sexualité se déroule à l'intérieur de son corps ne peut répondre aux sollicitations avec la même immédiateté. Les physiologies sont différentes, les voies de montée du désir puis le plaisir le sont aussi.
 

Les préliminaires peuvent se suffire et entraîner une satisfaction complète des deux partenaires. Nos corps sont beaucoup plus vastes que la seule zone génitale et nous gagnons à découvrir l'étendue de nos zones érogènes. Le tantrisme et les philosophies orientales du corps nous font découvrir des plaisirs insoupçonnés. Ainsi, les sensations orgasmiques qui découlent des préliminaires sont beaucoup plus durables et beaucoup plus riches sur le plan sensoriel que ceux liés à la seule pénétration. De plus, ils permettent à l'homme d'expérimenter la multiplication des orgasmes dont il est le plus souvent privé à l'inverse de sa partenaire féminine. En effet, alors que l'homme peut accéder plus vite à la pénétration et à une satisfaction partielle de ses désirs, la femme peut multiplier les orgasmes lors un même rapport sexuel.

Si les préliminaires ne sont pas nécessaires à la sexualité, ils concourent grandement à l'épanouissement que nous en retirons. Il serait alors dommage de se passer de la découverte des corps à laquelle il nous invitent. Elle est formidable et extatique. De plus, en manifestant notre désir de faire plaisir, ils font ressentir à l'autre l'affection que nous lui portons.