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Les pratiques en psychiatrie
La psychiatrie est une science médicale, la psychologie et la psychanalyse sont des sciences humaines. Voilà peut être l’origine des différences de perceptions et de pratiques entre ces thérapeutes de ‘l’âme humaine’.
Origines et définitions
Le terme de ‘psychiatrie’ fut employé pour la première fois en 1808 par Johann Christian Reil, il descend du grec ‘psyche’ qui signifie âme ou esprit et de ‘iatros’ qui signifie médecin.
Les psychiatres, médecins spécialisés en psychiatrie, peuvent s’orienter dans trois domaines ; la pédopsychiatrie qui traite des enfants, la psychogériatrie qui concerne les personnes âgées ou la psychiatrie ‘générale’ qui se pratique auprès d’adultes.
Son objectif est le traitement de la folie et des troubles mentaux considérés comme des maladies, au travers des neurosciences et des traitements médicamenteux psychoactifs. Son champ d’intervention s’étend du diagnostic au traitement en passant la prévention.
Ses pratiques se basent sur des manuels diagnostiques de référence ; le DSM (1) et la CIM (2) ; qui se veulent exhaustifs et décrivent l’ensemble des manifestations cliniques clairement identifiables sous forme de comportements et de symptômes répertoriés et classés.
Conceptions et pratiques
Nombre de psychologues et l’ensemble des psychanalystes partagent une même vision sur la définition du ‘normal’ et du ‘pathologique’, considérant, tel que Freud l’a enseigné, que nous sommes tous névrosés. La seule différence entre les deux états reviendrait donc au sentiment de bien-être ou de mal-être de l’individu et à l’existence de troubles handicapants.
La conception de la psychiatrie est fondamentalement différente puisqu’elle considère d’emblée le trouble mental comme le symptôme d’une maladie, quels que soient les ressentis du ‘malade’. Elle procède donc selon des tests standardisés et étalonnés qui permettent d’abord de décrire de façon précise les diverses insuffisances de comportement. Une anamnèse (histoire) minutieuse du sujet, les renseignements que peuvent apporter son maintien, son introspection, ses confidences spontanées et provoquées, permettent de faire des hypothèses qui seront contrôlées autant que possible par l’application de nouveaux tests.
La pratique psychiatrique doit faire face à deux paradoxes, le premier étant de tenter d’objectiver ce qui, par nature, est subjectif. Le second paradoxe apparaît lorsque la psychiatrie parvient à objectiver, c'est-à-dire à identifier la cause précise d'une pathologie psychiatrique. Dés lors, cette cause sort de son champ d'intervention pour rejoindre ceux de la chirurgie, de la neurologie ou des médecins généralistes. Ce fut notamment le cas de l’épilepsie, considérée à une certaine époque comme maladie mentale. Dés que les psychiatres ont su isoler son origine neurologique, son traitement en revînt aux neurologues.
L’évaluation
Elle se conjugue avec le diagnostic et se base sur la relation entre patient et psychiatre qui pourrait être décrite selon ces termes : « Ta souffrance et ta singularité, nous savons sur elles assez de choses, dont tu ne te doutes pas, pour reconnaître que c’est une maladie ; mais cette maladie, nous la connaissons assez pour savoir que tu ne peux exercer sur elle et par rapport à elle aucun droit. Ta folie, notre science, nous permet de l’appeler maladie et dès lors nous sommes, nous médecins, qualifiés pour intervenir et diagnostiquer en toi une folie qui t’empêche d’être un malade comme les autres, tu seras donc un malade mental. » (3)
La psychiatrie suppose ainsi l’expertise de ses médecins en matière de sémiologie, cette science qui étudie les différents systèmes de signes du comportement de l’individu, de ses fonctions intellectuelles et de son état émotionnel. Cette étude est facilitée au travers de classifications permettant de rassembler les symptômes pour constituer des syndromes, des troubles et des entités spécifiques.
Deux types de psychiatrie
La première, psychiatrie de ‘contenant’, privilégie le symptôme dans ce qu’il a d’objectivable et donc d’évaluable. Son tableau clinique se caractérise par une liste de symptômes classés selon des regroupements qui permettent de reconnaître une catégorie de pathologie. L’ensemble de l'action thérapeutique est alors guidée par cette symptomatologie, ses résultats étant reconnus à partir de scores obtenus lors de la passation de différentes échelles d’évaluation. Cette approche tend donc à privilégier ce qui est dit et non plus la façon dont cela est dit.
Elle se différencie ainsi à la seconde pratique ‘de contenu’ qui choisit de souligner ce qui s’entend dans ce qui est dit autant que dans ce qui ne l'est pas. Elle déchiffre le discours, les silences, les intonations, les lapsus, les gestes… et s’intéresse peu, en fait, aux symptômes objectivables.
Ces deux conceptions de la psychiatrie loin d’être opposables, peuvent se compléter et s’équilibrer pour rendre compte de l’homme dans sa totalité, à la fois être de science et être doué d’âme. D’ailleurs, les premiers ouvrages qui ont marqué la naissance de la psychiatrie fin 17ème siècle se nommaient ‘Traités médico-philosophiques’ et non ‘Manuels de psychiatrie’.
(1) Diagnostic and Statistical Manual
(2) Classification Internationale des Maladies
(3) Foucault M., La maison des fous.– 1980, in F. & F. Basaglia ; Les criminels de paix ; 145-160. Paris, Presses Universitaires de France.