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Les magazines de psychologie et de bien être
Depuis une quinzaine d’années, nous assistons à une croissance exponentielle des magazines qui se revendiquent de la psychologie et du domaine du bien-être.
Une offre croissante
Outre le succès impressionnant de la revue Psychologie Magazine, la presse écrite actuelle s’est vue dotée d’une offre de plus en plus importante dans le champ de la psychologie. Cette évolution est d’autant plus remarquable que ce secteur économique se porte plutôt mal, notamment du fait du développement d’Internet et de la prolifération des contenus gratuits.
En kiosque, vous trouverez donc des magazines de psychologie générale qui s’adressent à un public amateur et proposent des sujets d’articles en lien avec le développement personnel et les problématiques quotidiennes des lecteurs : faire le point sur sa vie, s’affirmer dans son travail, développer sa confiance en soi etc… D’autres revues ont opté pour un angle d’édition comportementaliste. Leurs contenus exposent les bases des neurosciences et de la psychologie cognitive et expérimentale pour décrypter les comportements.
Si les politiques éditoriales de ces magazines semblent axer sur la recherche du bien-être et/ou une réduction du mal-être, elles se différencient d’une autre catégorie de revues qui s’adressent davantage aux professionnels psychologues et psychanalystes ainsi qu’aux amateurs avertis. Leurs objectifs portent davantage sur la diffusion des avancées de la recherche, le traitement des questions qui font débat au sein de la profession, la présentation des différents courants théoriques ou encore l’information relative à l’actualité des métiers de la psychologie.
Des psy. ‘béquilles’
A première vue, critiquer le développement de la presse ‘du psychologique’, semble inopportun de la part d’un site tel que le notre. Pourtant, il nous semble que ce mouvement participe davantage à la poursuite d’une société d’hyper-consommation, dans laquelle les rythmes s’accélèrent sans cesse et où la pression à la performance est omniprésente.
En effet, le temps de l’apprentissage et de la maturation est révolu, il faut aller vite, très vite…Y compris en matière de psychologie. Alors nous cherchons des réponses, simples et efficaces, qui nous permettent de décrypter nos comportements et nos sentiments, d’exploiter nos ressources pour mieux réussir (sur tous les plans), et de soulager nos angoisses du quotidien.
Il nous semble également que cet engouement répond à la carence des liens sociaux et familiaux qui caractérise notre société. Dans les générations précédentes, beaucoup de ressentis et de questionnements étaient verbalisés auprès de membres de sa famille ou d’ami(e)s, dont la bienveillance, l’écoute et les conseils permettaient de créer un cadre contenant qui soulageait et permettait la décharge émotionnelle. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes sont seules, divorcées ou éloignées de leur famille. La réduction évidente des temps d’échange et de dialogue empêche la construction de liens affectifs profonds et durables. Dans ces circonstances, les magazines de psychologie grand public deviennent un moyen de retrouver une ‘parole’ bienveillante, auprès de laquelle les individus ont acquis le droit d’exprimer des doutes, des faiblesses, et de les partager avec les lecteurs et l’équipe du magazine.
Des effets pervers ?
Si certains se réjouissent de la place prise par la psychologie dans la société, notamment au travers des magazines, nous y voyons, pour notre part, des effets pervers. Il est vrai que ce mouvement a contraint les professionnels à sortir du monde intellectuel dans lequel ils étaient enfermés, au profit d’une plus grande proximité entre les ‘psy.’ et la population. De même, les individus qui consultent ne semblent plus être stigmatisés comme ils l’étaient auparavant : consulter n’est plus considéré comme un signe de folie.
Pour autant, ne sommes-nous pas tombés dans l’excès inverse ? La psychologie semble en effet devenu un ‘outil’ de la recherche du Bonheur, avec un grand B. Le succès de cette presse ne témoigne-t-elle pas d’une intolérance flagrante à la frustration, au doute, à la tristesse ou à la souffrance ? Cette psychologie-là n’agirait-elle pas à l’inverse de son objectif, en fournissant les moyens nécessaires à l’inconscient pour mieux se cacher sous les réponses toutes faites de ces magazines ?
Il s’agit d’une question centrale pour notre profession : le psychologue doit-il empêcher le symptôme, le supprimer le plus rapidement possible ? Ou doit-il lui permettre de s’exprimer, pour mieux le saisir et le résoudre en profondeur en accédant à l’inconscient ? Vous l’aurez certainement compris, nous nous rangeons à la seconde possibilité. Pour développer ce point de vue, nous vous proposons un second article traitant spécifiquement des conséquences de la psychologisation de la société.