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Les français et le politique
Les processus de mobilisation politique s’appuient sur les mécanismes de la mémoire collective dont ils font une utilisation partisane.
Le sentiment national
Selon Durkheim, tous les membres d’une société partagent un ensemble d’évènements communs qui les unissent plus ou moins directement. Ces expériences collectives, vécues dans le champ individuel, produisent des émotions qui sont fixées par la mémoire collective dans un ensemble de symboles : plaques commémoratives, hymnes, drapeau, monuments etc…
Ces éléments ont la particularité de perdurer lorsque les membres de la communauté sont dispersés, ils sont également ‘exploités’ par le politique afin de leur donner une signification commune, fondant ainsi le sentiment d’unité nationale.
Il n’est pas étonnant que le récent débat sur l’identité nationale ait été un fiasco. En dehors des raisons liées à la structuration des échanges, il faut noter que nous nous trouvons dans une époque charnière puisqu’il ne demeure plus beaucoup de témoins directs des évènements nationaux. Les commémorations passent donc progressivement du domaine de la mémoire collective vers celui de l’histoire.
Relations de pouvoir et interdépendances
Alors que Durkheim et Weber avaient mis en avant les rapports de force sous-tendant tous les liens sociaux, ce fut Elias qui en détermina le caractère d’interdépendance. La société se structure selon des « épreuves de force » dont la résolution permet la fonctionnalité de la communauté : au travers de compétitions constantes, les uns acquièrent une position dominante alors que les autres occupent celle de dominés.
Ces deux groupes sont forcément interdépendants : sans dominants, pas de dominés; sans dominés, pas de dominants ; pas de liens sociaux ; pas de liens fonctionnels : c’est l’anarchie. Ces rapports de compétition se déclinent en fonction de chaque milieu et selon les ressources et besoins des acteurs. Elias nomma ‘configuration’ ces milieux dans lesquels les ‘jeux’ des ‘acteurs’ peuvent varier et évoluer à l’infini.
La structuration des rapports de force entre les individus et les groupes aboutisse ainsi à une structuration de la société selon divers niveaux, disposant chacun de moyens d’actions différents. Le premier concerne les relations entre les ‘bases’, c'est-à-dire les citoyens ordinaires, le second se rapporte aux actions de ceux qui représentent la base et enfin, le troisième renvoie aux représentants des représentants.
Retour sur les relations au politique
Chacun aura sans doute retrouvé au fil de cet article, des vocabulaires ou mécanismes contemporains de nos politiques actuelles, et pourtant, Elias réalisa ses travaux dés 1930, alors que Durkheim et Weber le firent encore plus tôt.
Le modèle de relations de pouvoir à plusieurs ‘étages’ formulé par Elias est toujours pertinent dans la description de notre société : les citoyens représentent le premier niveau, les élus locaux et nationaux sont les différents ‘grades’ du second niveau, et enfin, le dernier est constitué des représentants des pays au sein des institutions internationales.
Ce modèle semble également nous ouvrir une certaine compréhension des liens existants entre les français et leurs représentants politiques (et économiques) : puisque la nature même de ces relations se fonde sur des rapports de force, sommes-nous toujours si étonnés de constater chaque jour, les comportements de méfiance éprouvés par les français à l’égard de leurs politiques ? Ne peut-on y voir une réponse à la recherche constante de bouc-émissaires par la population ou encore à la désignation récurrente de ‘perdants’ ou de ‘coupables’ ?
Enfin, dans un monde politique empli de démagogie et de détournement des techniques de communication, il nous semble intéressant de souligner l’analogie théâtrale proposée par Elias (certainement malgré lui) quant au ‘jeu des acteurs’ au sein des configurations. Nos politiques ne tendent-ils pas, en effet, vers un comportement proche des ‘people’ et autres stars de cinéma ?