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Les échanges sur le web rendent-ils idiots?
Msn, twitter, facebook… nous connaissons tous ces outils de dialogue instantané qui se sont imposés dans nos vies sans que nous en saisissions encore les impacts.
Une communication déstructurée
Une communication est un échange dynamique correspondant à l’envoi puis à la réception d’informations de la part d’une source en direction d’un récepteur. En ce sens, les dialogues passant par le vecteur ‘Internet’ entrent bien dans ce que l’on nomme ‘communication’.
Les fondements théoriques de l’étude du langage nous ont appris que deux éléments étaient essentiels à la transmission d’une information: le message en lui-même et son support. Nous savons également que la communication humaine se caractérise par des données verbales et non-verbales. Ces dernières correspondent à l’ensemble des informations qui transitent dans le dialogue et qui ne sont pas données par la langage : les mimiques, la tonalité de la voix, le regard etc…Conscientes ou non, ces données sont extrêmement riches et complexes, elles transmettent d’ailleurs bien plus d’informations que le seul message verbal.
Partant de ces principes, un certain nombre de postulats furent posés : « on ne peut pas ne pas communiquer » ou encore « tout comportement est communication » (Grégory Bateson). Or, s’il est une chose évidente, c’est que l’imposition d’Internet dans le champ du dialogue a considérablement modifié les fondements de la communication, et donc par extension, les rapports humains.
Aujourd’hui, il est en effet possible de ‘ne pas communiquer’ : si, en face à face, ne pas parler envoie immédiatement un message à son interlocuteur (il est timide, il n’a pas de réponse, je ne l’intéresse pas etc…), il n’en est rien via Internet puisque la totalité de la communication non-verbale est supprimée (lorsqu’une webcam est utilisée, le non-verbale existe mais est biaisé par la machine) : la première conséquence est donc une perte considérable d’informations qui engendre des erreurs de compréhension et d’interprétation, susceptibles de nous rendre ‘bête’.
Les rituels sociaux
Inhérents à toute civilisation, les rituels sociaux recouvrent une série d'actions très précises, accomplies à un moment particulier et dans un ordre déterminé, qui varie en fonction de critères eux-mêmes contrôlables. En matière de communication, il s’agit de la politesse (bonjour, au revoir, pardon etc…) ou encore du savoir-vivre (ne pas couper la parole, ne pas montrer du doigt).
Beaucoup s’accordent à considérer les rituels comme l’une des différences principales entre l’Homme et l’animal, celui-ci n’obéissant qu’à l’instinct alors que l’Homme est en mesure d’agir en fonction de ses propres règles.
Malheureusement, il suffit de communiquer quelques temps via les messageries instantanées, pour observer la disparition des savoir-faire sociaux : le ‘bonjour’ n’est plus de rigueur, le ‘au revoir’ encore moins, quant au fait de ne pas couper la parole…Par ailleurs, les rituels sociaux occupent un rôle central du point de vue de la cohésion et de l’organisation de la société. Constituant un ensemble de connaissances et de valeurs connues et partagées par l’ensemble d’une communauté, ils tiennent fonction de repères et de régulation sociale car ils permettent à chacun de reconnaître sa place et son rôle. La disparition de ces rituels n’engendrerait-t-elle pas une régression au niveau de la civilisation?
Un langage compulsif ?
En observant le déroulement de certains dialogues sur le web, on constate qu’il s’agit parfois davantage de comportements de ‘consommation du langage’ plutôt que d’un véritable échange humain.
La communication semble en effet ‘consommée’ pour obtenir un plaisir immédiat : les fameux ‘murs’ de facebook nous apparaissent ainsi : y communiquer relève davantage d’une pulsion d’écriture, de valorisation de sa journée ou de ses connaissances, ou encore d’une réponse à un besoin d’écoute, de confidence.
La langue apparaît donc comme un outil de plaisirs et éventuellement de réduction des ‘déplaisirs’ (sans oublier le narcissisme), rejetant toute frustration, y compris celles liées à la nécessité de la présence de l’autre et de la construction d’une relation amicale.