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Le stade du miroir
Bien des concepts de la psychanalyse sont passés dans le discours commun. Parfois au prix d'approximations qui les rendent insaisissables. Le "stade du miroir" fait partie de ces théories qui bien que cruciales n'en sont pas moins complexes et livrées aux interprétations successives. Qu'en est-il et quelle fonction occupe ce stade dans le développement de l'enfant ?
Un concept historique
C'est Lacan qui, en 1937, va faire entrer le stade du miroir dans la théorie analytique . Mais d'autres psychologues avant lui avaient noté l'importance du miroir dans la construction psychologique de l'enfant, notamment Henri Wallon (1879-1962), chef de file de la psychologie développementale française. Celui-ci avait perçu que l'enfant intègre le miroir dans ses jeux et que son comportement vis-à-vis de son image reflétée évolue au cours de son développement. Mais chez Lacan et pour la psychanalyse en général, la spécificité du stade du miroir tient en ce qu'il est un moment détaché du jeu. Il relève bien plus d'un évènement imaginaire qui fait effraction dans la vie psychique de l'enfant, la modifiant et la structurant définitivement.
Que s'y passe-t-il ?
Lors du stade du miroir, l'enfant dont la perception du corps est morcelée par les sensations variées et parcellaires qui en émanent (pulsion partielle et zone érogène restreinte) est confronté pour la première fois à une image unifiée de lui-même. Le stade du miroir est l'instant à partir duquel l'enfant se reconnaît dans une image précisément délimitée. Lacan dit qu'il est "aliéné à cette image". A partir de ce stade, le moi de l'enfant cesse d'être morcelé et s'unifie : il est l'image perçue. L'important de cette "aliénation" est le plaisir pris lors cette découverte initiale de soi.
L'autre, un paramètre indispensable
Mais rien n'est magique dans cette première perception de soi. Elle repose sur une autre image, celle d'une personne investie par l'enfant. En tête, il a déjà à disposition l'image de ses parents. Ainsi s'il est capable à cet instant précis de se reconnaître dans le miroir, c'est parce qu'au même instant, il y perçoit aussi son parent. Le processus psychique qui a lieu suit une séquence indispensable à son déroulement. : une reconnaissance de l'autre qui sert ensuite de fondement à sa propre reconnaissance. L'enfant pense : "je vois maman dans le miroir, je suis devant maman, quelque chose est devant son image à elle : je suis ce quelque chose". Ainsi, le stade du miroir en plus de délimiter l'enfant, le fait apparaître distinct de sa mère. Celle-ci renforce ce mécanisme par le langage en prononçant à l'enfant : "ici, c'est toi". C'est le début d'un duo nouveau : moi et l'autre. Ces deux protagonistes sont désormais intimement liés, interdépendants.
Un stade fondamental pour l'image de soi
Par rapport aux autres stades du développement psychique (oral, anal, phallique, génitale), le stade du miroir est un stade fondamental, non pas sur le plan de la libido, mais sur celui de la constitution du narcissisme. Après lui sont posés les fondements de l'image du corps et de l'attachement porté à son moi (narcissisme). Celui-ci découle du plaisir pris lors de cette première vision unificatrice (jubilation). Par la suite, le narcissisme sera, toute la vie de l'enfant, le rempart contre l'adversité et le socle de sa confiance en lui et en ses compétences. Les modalités de franchissement de ce stade occupent ainsi une place particulière dans toutes les problématiques ultérieures impliquant le narcissisme : mésestime de soi, dépression, psychose.