Le modèle génétique de la personnalité

Notre personnalité est-elle prédéterminée dès la naissance ? Existe-t-il un « tempérament de base » que le monde ne fait qu’ajuster ? Si la biologie joue un rôle, la psychanalyse met l’accent sur un autre type de genèse : une genèse psychique, progressive, traversée par des étapes, des conflits et des inscriptions dans le lien à l’autre. Le modèle génétique de la personnalité, en psychanalyse, ne fait pas référence aux gènes biologiques, mais à l’histoire du sujet, à la construction progressive du moi au fil des stades du développement, des désirs et des conflits inconscients.
Une personnalité façonnée par des étapes fondatrices
Dans le modèle freudien, la personnalité ne se décrète pas : elle se construit progressivement à travers des stades — oral, anal, phallique, de latence, puis génital. Chacun de ces moments est traversé par des enjeux libidinaux, des conflits psychiques et des expériences affectives. L’enfant y fait face avec ses moyens psychiques du moment, et en garde des traces durables, conscientes ou inconscientes. Ainsi, les traits de personnalité à l’âge adulte (perfectionnisme, dépendance, rigidité, anxiété…) sont souvent l’écho d’un stade mal traversé, ou d’un conflit psychique non résolu.
Les fixations et régressions : mémoire vivante de l’infantile
Dans cette logique, la personnalité adulte est marquée par ce que la psychanalyse appelle des fixations — des points où la libido est restée attachée à une expérience ou un mode de satisfaction antérieur. En période de stress ou de crise, ces points peuvent réactiver une régression : on retrouve des attitudes archaïques, des peurs infantiles, des modes de défense anciens. Ainsi, le modèle génétique montre que rien ne disparaît dans le psychisme : ce qui n’a pas pu être symbolisé se rejoue autrement, et les traits de personnalité sont souvent le résultat de ces compromis inconscients.
L’importance des expériences précoces
Les premières expériences relationnelles — avec la mère, le père ou leurs substituts — jouent un rôle déterminant dans la construction de la personnalité. Ce sont elles qui posent les bases de l’image de soi, du rapport à l’autre, de la capacité à désirer. Le regard porté sur l’enfant, la manière dont ses besoins sont accueillis (ou non), les frustrations précoces, les séparations, la parole adressée… tout cela s’inscrit dans le psychisme. Le modèle génétique prend en compte cette dimension : il s’agit d’un processus d’accumulation et de transformation, où chaque étape influence les suivantes.
Une continuité sans déterminisme
Ce modèle n’est pas déterministe. Il ne s’agit pas de dire que tout est joué avant 6 ans, mais de comprendre que les traces de l’enfance sont actives dans l’inconscient, parfois à notre insu. La personnalité reste évolutive, mais elle est habitée par une histoire — une histoire que l’on ne connaît pas entièrement, mais qui continue à se dire à travers nos choix, nos relations, nos résistances. Le modèle génétique invite ainsi à relire le présent à la lumière du passé, non pour y rester enfermé, mais pour en dégager des lignes de sens.
Penser la personnalité comme une écriture vivante
Pour la psychanalyse, la personnalité est le fruit d’un tissage complexe entre pulsions, identifications, fantasmes, manques et liens. Elle n’est pas un « caractère » figé, mais une mise en forme du désir dans l’histoire d’un sujet. Le modèle génétique permet de ne pas réduire un comportement à un trait, mais de l’interroger comme le résultat d’un parcours. Le travail analytique, en mettant au jour cette genèse, permet de défaire certains nœuds, de reprendre la trame, et parfois d’écrire autrement ce que l’on croyait figé.