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Le harcèlement sexuel dans l'entreprise
Comment le harcèlement sexuel s'installe-t-il dans une entreprise ? Comment des collègues de travail peuvent-ils devenir complices de ces agressions ?
Le dérapage éthique
On constate très souvent une modification des valeurs morales des équipes, managériales ou salariales, précédant la genèse du harcèlement sexuel. La manière d’organiser le travail peut donc être propice au développement de ces agressions. Lorsque l’entreprise ne tient plus compte de la qualité du travail, des niveaux de compétences et des aspirations de ses salariés, lorsque l’ensemble d’une fonction professionnelle est réduit à des chiffres, alors l'organisation du travail devient agressive. Les outils de management s’orientent vers les rapports de force, la déstabilisation et la peur.
L’entreprise modifie ses critères de recrutement, recherche des personnes à fort caractère, capables de tout pour atteindre les objectifs fixés, des salariés durs et insensibles, se moquant de la souffrance d’autrui. L’agressivité devient une qualité professionnelle, un atout pour l’entreprise. Dés lors, les femmes perdent inexorablement leur valeur professionnelle car seuls des traits de caractère liés à la virilité sont valorisés.
La mise en place d’une organisation du travail basée sur l’agressivité et la tolérance à la souffrance d’autrui pousse les salariés vers des comportements de plus en plus rigides et crée des mécanismes de défense psychique. Cette radicalisation progressant, l’idéologie défensive se construit jusqu’à devenir collective. Tous s’unissent donc et identifient un ennemi, une personne refusant leurs valeurs, ou bien souvent, la femme dont la nature même leur renvoie une image de faiblesse.
La nature féminine comme incompétence
Dévalorisée par sa hiérarchie et considérée comme un ennemi, la salariée ne tarde pas à voir ses missions se modifier. Comme pour tous ses collègues, dans ce type de schéma organisationnel, sa charge de travail augmente constamment, mais seule elle ne choisit plus ses tâches, et fera ce que les hommes ne veulent pas faire. A la femme donc les clients difficiles et les dossiers complexes, notamment ceux requérant des qualités relationnelles : médiation, empathie, anticipation, facilité d’expression… des qualités de femme, c’est bien connu.
A ce stade, la perversité est mise à jour, l’entreprise exige d’elle des savoir-faire liés au féminin qu'elle méprise et considère comme des faiblesses. En cas d’échec, le groupe y verra une preuve de son incapacité, et en cas de réussite, le groupe conclura à la mise en œuvre de ‘techniques’ féminines méprisées. Le piège sexiste se referme : ses compétences réelles et ses résultats sont attribués à sa nature féminine, elle-même critiquée : «Tu les as eus au charme!», «Tu lui as fait quoi pour qu’il signe ?»…
L’image de l’hystérique
Méprisée et victime d’injustices flagrantes, il arrive un moment où la femme se fâche, demande des explications, hausse le ton. Mais là aussi, son action est réduite à néant. Si les interventions d’un homme auraient été qualifiées de «musclées» et donc valorisées par la hiérarchie, chez la femme, elles entraînent l’apparition immédiat du stéréotype social de la femme harpie caractérielle, de la femme hystérique.
Les comportements salaces
Ils font partie du schéma du harcèlement sexuel et précèdent très souvent les atteintes physiques :
• L’affichage de photos ou de fonds d’écran mettant en scène des caricatures sexistes, humiliantes, dégradantes, des femmes de plus en plus déshabillées;
• Les blagues racontées sans aucune réserve entre collègues masculins;
• Les remarques faites sur la tenue vestimentaire;
• L’attribution des réussites à une pratique sexuelle.
Tous les comportements qui atteignent, dévalorisent, et humilient les attributs féminins entrent dans cette catégorie.
Les répercussions sur les victimes de harcèlement sexuel
• La désexualisation
Agressées et marquées dans leur intimité, la plupart des victimes tente d’effacer leurs attraits féminins, elles suppriment les jupes courtes et longues pour porter des pantalons non saillants, enlèvent leurs bijoux, attachent leurs cheveux, réduisent le maquillage au minimum, optent pour des accessoires de coiffure des plus discrets.
La femme peut aussi entrer dans un mécanisme paranoïaque, scrutant sa tenue vestimentaire dans les moindres détails chaque matin, angoissant au coucher à l’idée de sa tenue pour le lendemain, vérifiant et revérifiant que rien n’est transparent, imaginant devant sa glace les différentes postures qu’elle sera amenée à prendre dans la journée pour contrôler que ses vêtements ne laissent rien voir de ses formes.
L’aménorrhée (arrêt des règles) est la conséquence ultime de l’attaque systématique du féminin.
• La culpabilité
Comme les viols ou les attouchements, le harcèlement sexuel porte atteinte à l’identité sexuelle et entraîne la culpabilité de la victime. A son origine se trouve la recherche de sens aux actes du ou des agresseurs. En cherchant sans cesse à comprendre ce qui provoque les agirs agressifs, la victime s’interroge sur son propre comportement et tente de le modifier, entrant ainsi dans un schéma où elle se voit responsable de l’agression. Les attaques perdurant dans le temps, elle finit par se considérer comme défaillante et impuissante car elle n’arrive pas à comprendre la logique de l'agresseur.
Progressivement, le féminin devient fautif, renforçant ainsi la légitimité du pouvoir de l’homme.
Tableau clinique
Le harcèlement sexuel entraîne un tableau clinique tout à fait spécifique que l’on peut aussi nommer "névrose traumatique" ou "syndrome de stress post-traumatique" :
• Syndrome de répétition avec reviviscence des scènes traumatiques;
• Cauchemars à thématique professionnelle;
• Evitement phobique du lieu de travail;
• Ruminations anxieuses touchant au travail;
• Hypersensibilité sensorielle;
• Crises d’angoisses aiguës;
• Epuisement;
• Hypervigilance;
• Suractivité professionnelle;
• Maux de tête;
• Atteintes de la sphère gynécologiques : métrorragie (hémorragie utérine survenant en dehors des règles), aménorrhée, cancer du col, de l’ovaire, de l’utérus.
Les victimes présentent également différents désordres physiques provoqués par la somatisation. On la définit comme le "processus par lequel un conflit ne peut trouver d’issue mentale et déclenche des désordres endocrino-métaboliques, point de départ d’une maladie organique."(1)
Rappel
La loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 « relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail » est parue au Journal officiel le 4 novembre 1992 (numéro 257). Elle protège les victimes et les témoins.
(1) Christophe Dejours, "Travail : usure mentale"