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Le général de Gaulle : un mythe indéboulonnable ?
«Quand de Gaulle ne sera plus là, il sera encore là »(1), «Tout le monde a été, est ou sera gaulliste »(2), «Napoléon fut le grand mythe politique du XIXe siècle. De Gaulle celui du XXe »(3)… Voici quelques-unes des citations qui rappellent, s’il était nécessaire de le faire, à quel point l’image du général est inscrite dans l’imaginaire du peuple français.
La construction du mythe
Alors que De Gaulle quitta la scène publique le 27 avril 1969, soit il y a presque 43 ans, les références des hommes politiques au général sont encore fort nombreuses, tout autant que les publications historiques et autres héritiers auto-proclamés (archéo-gaullistes, gaulliens, néo-gaullistes, antigaullistes repentis…).
Il faut dire qu’à l’heure où les français ont le moral en berne, où le pays semble menacé par les nouvelles puissances montantes et les requins financiers, ou encore dans une époque où l’unité nationale serait en danger face au nombre d’étrangers, le modèle gaullien, osons le dire, la doctrine gaullienne, apparaît comme un refuge nostalgique et imaginaire fort apaisant.
Absorbés par cet autre mythe moderne représenté par l’ère décliniste dans laquelle nous serions entrés, les français, toute classe confondue, se cherchent des modèles. Or, qui représente De Gaulle, si ce n’est la symbolique du héros ? Son histoire lui confère en effet quatre formes d’exemplarité : (père) fondateur de la République (la V République), protecteur de la nation (crise algérienne), libérateur de la patrie (l’appel du 18 juin) et martyre (dans son départ du pouvoir).
L’instrumentalisation politicienne
Il serait sans aucun doute fort naïf de considérer que les hommes politiques se réclament du gaullisme par simple ‘mimétisme’. Parmi ceux qui évoquent sa figure, on trouve d’abord ceux qui ont des ambitions fortes tout en ne parvenant pas à s’imposer au sein d’un parti majoritaire (Dominique de Villepin par exemple). Ils mobilisent alors le modèle gaullien pour sa capacité à rassembler et à dépasser les épreuves : De Gaulle avait en effet tenté d’effacer le clivage gauche/droite (et partiellement réussi) et s’est montré des plus héroïques en sortant ‘victorieux’ de sa traversée du désert. Une posture d’homme-sauveur, fort, et dont les convictions le portent à dépasser les clivages politiques : voici une représentation à laquelle tout homme politique rêve d’être associé…
Par ailleurs, aucun politicien n’ignore les résultats des études portant sur la connaissance dont disposent les français sur le Général De Gaulle et sa doctrine politique : si une large majorité connait en effet les grandes étapes de sa vie, peu en maitrisent les convictions politiques. De fait, la mobilisation du général relève davantage d’une posture consistant à associer son image à celle d’une figure mythique.
Diviser et sauver
Ce sont les circonstances exceptionnelles qui font les hommes d’exception : sans effondrement de la France en 1940, sans la crise de la guerre d’Algérie ou encore sans la révolution sociale et culturelle de 68, la figure gaullienne telle que nous la connaissons, n’existerait pas.
Or, notre pays n’est plus en guerre, finie la décolonisation ou la guerre froide : à la suppression d’ennemis extérieurs suivent donc les enjeux nationaux qui redeviennent centraux dans le débat politique. C’est bien là que le bât blesse : sans ennemi, pas de sauveur…
Alors on crée un ennemi : l’étranger, le jeune, le Rom, les fous … on construit des statistiques prouvant rationnellement les faits puis on bâtit une mise en scène médiatique qui transforme des faits divers en phénomènes de société : il ne reste plus qu’à user de la figure de De Gaulle pour se présenter au peuple tel un sauveur, et gagner les élections…
(1) François Mauriac
(2) De Gaulle
(3) Régis Debray