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Le deuil chez l'enfant
Les processus cognitifs se développant selon l’âge, en particulier le langage et la mémoire, certains considèrent que les enfants sont trop immatures pour comprendre ce qu’il se passe lors d’un décès ; ils n’auraient pas de représentations de la réalité. Mais si l’enfant ne comprend pas la mort comme les adultes, il dispose de ses propres représentations, de ses propres croyances.
Le processus de deuil chez l’enfant
La notion de mort se construit progressivement jusqu’à parvenir à une compréhension proche de celle des adultes vers la préadolescence. Les psychologues s’entendent pour définir différents stades.
• Avant 6 ans
L’enfant comprend la mort comme un phénomène passager, il joue naturellement avec elle : il tue ses soldats et les ressuscite aussitôt, constate que la princesse se réveille après le baiser du prince charmant alors qu’elle vient de boire un poison, regarde ses héros dans les dessins animés ou les jeux vidéo mourir et renaître sans limite.
Son psychisme est dominé par ce qu’on appelle la pensée magique : il se pense responsable de tout ce qui survient dans son environnement et croit que ses paroles suffisent à provoquer les événements : « Pan ! Tu es mort».
Ainsi, s’il avait ressenti de la colère envers la personne décédée, l’enfant peut tout à fait se juger responsable et penser qu’elle serait vivante s’il avait été plus gentil. Il en est de même s'il ressent de la tristesse chez ses proches. La pensée magique peut donc le conduire à interpréter les événements de façon bien plus dramatique que la réalité, c’est pourquoi il n’est pas judicieux de lui cacher la vérité.
• Vers 6 ans
À cet âge, la mort est également perçue comme quelque chose de contaminant, l’enfant peut craindre qu’elle se propage autour de lui. Il comprend que la mort peut l’atteindre, qu’elle répond à certaines règles et que le corps ne « fonctionne » plus. En revanche, il confond encore la mort et le mort.
• Vers 10 ans
L’enfant s’est généralement détaché des représentations de la mort des contes et des dessins animés ; il perçoit qu’elle est irréversible. Ses capacités cognitives se sont développées et permettent la mise en place des mécanismes de défense.
Il ne se sent donc plus directement responsable des événements mais perçoit les silences des adultes et peut les interpréter comme un manque de confiance de leur part à son égard. Dans des cas extrêmes de silence et de non-dit, l’enfant peut se sentir rejeté.
• Vers la préadolescence
La conception de la mort est proche de celle des adultes. À l’adolescence, ils exigent la vérité.
Les signes de la souffrance
Tout comme pour la compréhension des événements, les adultes minimisent trop la souffrance ressentie par les enfants face à la mort et ne savent pas en repérer les signes. L'enfant peut en effet ne montrer aucune tristesse et paraître totalement détaché.
Le chagrin peut aussi être différé et se révéler sous la forme de pleurs, de colère ou d’agressivité à l’encontre de ses proches, voire même contre la personne décédée (qui l’a abandonné). L’agitation, l’anxiété, la révolte et les comportements régressifs sont également des signes du traumatisme. L’enfant peut aussi manifester des difficultés pour dormir et manger.
Il arrive également que l’enfant « joue à la mort », c'est ce qu’on appelle des jeux post-traumatiques. Les adultes sont souvent faussement rassurés par ce phénomène, car ils l'interprètent comme une preuve de bien être : « Tout va bien, il joue ». En réalité, l’enfant peut répéter à l’infini la scène du décès et montrer qu’il reste fixé sur cet événement qui le fait souffrir, réactivant sans cesse sa blessure.
Les parents doivent aussi être conscients que l’enfant, par le dessin ou par le jeu, peut produire uniquement ce que l’on attend de lui, c'est-à-dire rassurer son entourage. Il n’est pas rare qu’ils dessinent de grands soleils, des fleurs, des cœurs, etc.
L’annonce du décès
Ce moment restera figé dans la mémoire de l'enfant ; son souvenir persistera très longtemps car il s’agit d’un temps traumatique. Il est donc préférable que l’annonce soit faite par une personne extérieure à l'entourage de l’enfant. Tout d’abord parce que le messager sera associé pour toujours au deuil et à la souffrance ressentie par l’enfant et peut inconsciemment en porter la responsabilité. Dans l’idéal, l’annonce doit être faite par un étranger comme un médecin, un pompier, un gendarme, etc.
Enfin, dans cette situation difficile, l’adulte sera fortement tenté de mentir à l’enfant et le plongera ainsi dans un monde insécurisant, car il ne pourra plus jamais donner la même confiance aux paroles du parent.
La participation aux funérailles
La plupart du temps, l’enfant est écarté des rituels de deuil, les proches le considérant trop jeune. Pourtant, il s’agit d’un temps très important d’accompagnement du défunt. En isolant l’enfant, les adultes prennent le risque d’attiser sa curiosité, de renforcer ses angoisses et surtout, de lui donner le sentiment d’être rejeté au moment où il en a le plus besoin de son entourage.
Les rituels du deuil permettent à l’enfant de se sentir intégré dans sa famille et d’être associé à ses proches. Cette expérience lui montre aussi que le mort est honoré et entouré. L’enfant sera aussi encouragé à exprimer ses sentiments et pourra transmettre un cadeau au défunt qui symbolisera leur relation et permettra de lui dire au revoir : un poème, un dessin, une photo… Les funérailles sont donc le moyen d’établir et de garder un lien avec la personne décédée.
Bien sûr, selon son âge, il ne s’agira pas d’imposer sa présence à la totalité des étapes. Il est essentiel qu’il soit accompagné et qu’il ne se sente pas seul. Un proche pourra l’accompagner si les parents sont trop pris par l’événement.
Accompagner l’enfant endeuillé
La rupture du lien d’attachement traumatise directement l’enfant et le confronte à la solitude. Plusieurs études ont démontré que des bébés séparés précocement de leur mère pouvaient se laisser mourir de détresse si aucun substitut ne leur était proposé.
À la perte de l’être aimé s’ajoute la transformation des liens avec les proches. Les enfants ont besoin du soutien et de la présence de ses parents pour grandir ; or, dans le deuil, les proches sont bouleversés et la famille déstructurée. Leur souffrance peut les rendre incapables de s’occuper de l’enfant ; il peut s’agir de soins essentiels comme la propreté et la nourriture, ou des besoins d’attention et d’affection. Certains parents peuvent en venir à ne plus voir leur enfant, à manifester de l’agressivité à son encontre ou encore à systématiquement l'associer à la personne décédée.
L'accompagnement des enfants endeuillés est donc primordial, mais il s'inscrit aussi dans une prise en charge globale de la famille. Il est essentiel que l'enfant soit écouté et entendu, qu'un adulte expérimenté lui permette de verbaliser son traumatisme et lui offre les outils nécessaires pour contenir son chagrin et sa détresse.
Les professionnels de l’enfance insistent particulièrement sur quatre éléments essentiels à expliquer aux enfants :
• que le corps ne souffre plus après la mort ;
• qu’il n’est pas en danger ;
• qu’il n’est pas seul et que l’on va continuer de s’occuper de lui au mieux ;
• que la personne décédée ne sera pas oubliée et qu’il est possible de continuer à l’aimer en pensant à elle.