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La transmission générationnelle
Le champ du transgénérationnel s’étudie en psychologie, comme il l’est en biologie sur les rapports héréditaires. Il s’intéresse aux liens tacites entre générations, à ce qui passe de conscient et d’inconscient au travers des filiations.
Des racines ancestrales
L’étude des transmissions générationnelles se développe en clinique depuis une quinzaine d’années, renouant avec un savoir présent dans les plus anciennes civilisations. Illustrés dans l’Ancien Testament par cette métaphore « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils en ont été agacées » (1), ces liens ont parfois pris la forme de ‘fantômes’, de malédictions ou de réincarnations selon les cultures.
Connue du grand public au travers des problématiques des secrets familiaux, la psychologie transgénérationnelle se donne pour objectif de distinguer ce qui appartient à l’individu, de ce qui est hérité des liens familiaux, sociaux et culturels. Elle oppose donc la part de soi qui fait sens et donne l’unité au sujet, des influences familiales aliénantes par nature. Son objectif peut se définir comme la libération de l’individu de ses conditionnements conscients et inconscients.
Transmissions pathologiques et développement de la psychogénéalogie
Le phénomène des transmissions pathologiques fut souligné au lendemain des guerres mondiales lorsque les psychanalystes s’aperçurent que les trauma refoulés et niés par les soldats conservaient leurs dimensions émotionnelles et pathologiques auprès de la génération suivante. Ainsi, un vécu non intégré se rejoue dans les liens relationnels familiaux et fait peser une charge pathogène potentiellement aliénante sur les enfants.
D’une manière générale, l’analyse des liens transgénérationnels nous renvoie, non pas seulement à une nouvelle compréhension des dynamiques familiales, mais vers un entendement plus général de l’être humain, jusqu’aux mécanismes les plus archaïques de sa psyché.
Cette pratique empreinte les fondements psychanalytiques freudiens tout en proposant de nouvelles lectures notamment en ce qui concerne l’étude de la psyche patriarcale. Elle rappelle également les enseignements de Dolto qui insistaient sur la nocivité des secrets de famille dont les enfants ont une connaissance pré-consciente et qui les conduisent à adopter des comportements compulsifs de recherche du sens de leurs ressentis.
Le complexe d’Œdipe : un fondamental de la transmission générationnelle
La théorie freudienne nous enseigne que les interdits de l’inceste et du parricide sont à la base de la constitution de la psyché au travers de la création du Surmoi. Notre psyché est donc conditionnée par une culture patriarcale marquée par la transmission du complexe oedipien d’une génération à une autre : l’individu est le résultat d’un conflit psychique refoulé et non intégré à la base des dynamiques familiales.
En effet, une relecture du mythe d’Œdipe est possible en considérant que ce fut le père d’Œdipe, Laïos, qui éprouva le premier un désir d’infanticide. Cette envie de meurtre, non résolue par Laïos, se serait ainsi transmise de façon inconsciente à son fils, ce conditionnement inconscient expliquant le meurtre du père.
Enfin, il est pertinent de considérer le secret familial comme l’origine de la tragédie car, si Laïos, Jocaste (la mère) et les parents adoptifs d’Œdipe, avaient su lever le secret de ses origines, la parricide et l’inceste n’auraient pu avoir lieu. Ce fut donc l’absence de transmission symbolique (la parole) qui laissa Œdipe en proie à ses pulsions inconscientes, lesquelles l’amenèrent à renouer avec ses origines en retrouvant le lien à la mère.
Le rapport au temps
L’étude des liens transgénérationnels porte, par extension, sur les mécanismes d’évolution de l’Homme au travers du temps. Définir son âge par un nombre d’années n’est en effet qu’une façon simpliste de se percevoir : la couche reptilienne de notre cerveau remonte aux temps de l’homo sapiens, notre ADN a des milliards d’années…
L’évolution des technologies et des connaissances scientifiques a modifié notre perception de nous-même, comme l’accumulation des savoirs historiques qui permet de saisir l’ensemble des mécanismes sociaux.
Cette prise de recul historique contraint à envisager notre propre mort et à l’accepter. Il est ainsi possible de considérer les croyances religieuses de la réincarnation ou de l’entrée au paradis comme des créations permettant l’intégration de la représentation de notre mortalité.
(1) Ancien Testament, Ezéchiel 18, 2 et suiv. Jérémie 31, 29