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La société de consommation détruit-elle le sens ?
Alors que la culture de la consommation de masse se caractérise par l’éphémère et la frivolité, les discours de sens (moral et scientifique) s’inscrivent, au contraire, dans une logique de pérennité..
La poussée individualiste
En permettant à toutes les classes sociales d’accéder aux biens de grande consommation, la logique de consommation de masse a sacrifié les valeurs collectives au profit du bonheur individuel. Les luttes de classe ont cédé le pas aux revendications et préoccupations personnelles.
La vie sociale et individuelle est ainsi progressivement entrée dans la logique de mode de notre société hypermoderne, une vie axée sur le présent et sur la satisfaction de plaisirs immédiats. Le développement de la technique s’est détourné de sa volonté humaniste et n’a désormais plus d’autres raisons d’être que de satisfaire les volontés et d’assouvir la puissance de chacun.
Les grandes structures de sens à vocation collective et durable, ont ainsi perdu de leurs attraits au profit de discours politiques suivant eux-mêmes une logique de mode. Les opinions privées se sont donc assouplies, en même temps que les esprits se tournaient vers eux-mêmes et que les principes de sens supérieurs s’effaçaient.
Un retour critique
Dans leur dernier livre ‘Les temps hypermodernes’, Gilles Lipovetsky et Sébastien Charles s’interrogent sur cette plus grande labilité des opinions personnelles qui caractérisent nos sociétés hypermodernes : une plus grande mobilité des avis équivaut-elle à une perte totale de sens critique ?
Rien n’est moins certain selon les auteurs, car l’effondrement des valeurs collectives et la fin de la soumission des Hommes aux grands principes supérieurs, ont permis la libération des points de vue et la multiplication des argumentations : « elle [la vue superficielle de la mode] impulse une interrogation plus exigeante, une multiplication des points de vue subjectifs, le recul de la similitude des opinions. Non pas ressemblance croissante de tous, mais diversification des petites versions personnelles » (p31).
Sur le plan de la recherche aussi, se manifeste d’importantes résistances à cette logique consumériste. Bien que certains intellectuels cèdent désormais aux pressions marketing pour remplir leur carnet de rendez vous, la majorité n’a pas dévié de sa quête de vérité et considère la reconnaissance de leurs paires comme plus précieuse. Enfin, la lenteur inhérente et nécessaire à toute construction de la pensée scientifique et théorique empêche toute intrication avec la logique éphémère de la mode.
Effondrement des valeurs et responsabilisation
Beaucoup de penseurs avaient vu dans l’effondrement des grandes valeurs sociales, l’annonce d’une société hyperpermissive aux mœurs éclatées et sans limite. Or, nous sommes contraints de constater que tel n’est pas le cas puisque le souci éthique n’a jamais été développé.
Les valeurs humaines sont, certes, sorties des projets politiques, mais ont été réappropriées par des acteurs individuels qui ont ainsi développé leurs propres initiatives : les nombres d’associations d’entraide et de bénévoles ne sont-ils pas des plus élevés ? On comprend ainsi que la dissolution sociale des principes éthiques n’a pas conduit à leur disparition mais les a transformés en responsabilités individuelles.
Pourtant, pour ceux dont l’entourage et l’environnement n’ont pu constituer de repères moraux suffisants, la disparition des encadrements sociaux les a conduits vers des comportements axés sur le pulsionnel, sur la recherche de plaisirs immédiats et le rejet, parfois violent, de toute forme de limites : refus du travail et de tout investissement dans un projet de long terme, violence envers les femmes, augmentation des vols et des cambriolages, multiplication des actes de violence etc…