Difficulté de lecture : 3 / 5
La ‘psychologisation’ de la société
En complément de notre article traitant du développement des magazines de psychologie et de bien-être, nous vous proposons d’élargir notre réflexion à l’échelle de la société.
Tous psychologues ?
Il y a quelques années, se présenter en tant que psychologue provoquait une admiration, une peur d’être ‘analysé’ immédiatement, un repli sur soi ou à l’inverse, un flux de confessions et de questions, ou encore des jugements tels que « pfff, ça sert à rien », mais depuis quelques temps, de nouvelles réactions apparaissent : « moi aussi, je suis très psychologue, tout le monde se confie à moi » ou encore « je comprends très bien les autres, ce qu’ils cachent»…
Loin d’être anodines, ces réflexions traduisent à notre sens, un sentiment de plus en plus partagé, selon lequel tout le monde pourrait être psychologue. Ecoute et empathie suffiraient-ils donc à acquérir ce diplôme et à répondre aux maux des patients ? A en croire les magazines grand public qui banalisent la psychologie, on pourrait le penser tant les explications avancées tiennent davantage du bon sens que d’une réflexion analytique.
On pourrait rétorquer que ces propos ne font d’autres victimes que le seul narcissisme des psychologues, mais il nous apparaît de plus en plus clairement que c’est loin d’être le cas. Nous constatons en effet une augmentation inquiétante des jugements psychologiques, parfois d’une grande violence pour ceux à qui ils s’adressent, et toujours exploités pour catégoriser les individus et répondre à un besoin croissant de contrôle de son environnement : nous parlons de ces mères à qui les enseignant(e)s conseillent de consulter un psy. en urgence parce qu’ils ne jouent pas assez avec ses camarades, ou encore de ces recrutements où les regards baissés signifient (sans aucun doute) ‘introversion’ et où le surpoids indique (évidemment) un manque de dynamisme physique et intellectuel…
Enfin, nous parlons de ces entreprises et services publics qui tentent de réduire l’activité du psychologue à une liste de compétences techniques (et surtout maîtrisables par les hiérarchiques) et qui perçoivent les psychologues comme des techniciens du comportement.
« Ne pas se prendre la tête »
Voilà bien une doctrine qui semble représentative de notre société : comment arrêter de se prendre la tête ou éviter tout ce qui est ‘prise de tête’. A n’en pas douter, cette formule aurait fait le bonheur de Lacan…
Exit donc la psychanalyse, trop longue et trop compliquée ; exit aussi toutes les thérapies qui prennent appui sur l’interprétation des rêves et la vie infantile, trop complexes et trop… questionnantes. En revanche, vive les thérapies comportementales dans lesquelles le psy est un expert qui donne des réponses claires, rapides et surtout le mode d’emploi (à suivre à la lettre) pour résoudre ses problématiques !
Malheureusement (et heureusement pour l’être humain), l’inconscient se laisse rarement étouffé ou si peu de temps…et il arrive un moment où ; malgré les réponses rapides et immédiates proposées par les magazines, ou encore les modes d’emploi des comportementalistes dont les effets bénéfiques s’estompent souvent avec le temps; les maux réapparaissent ou aboutissent à une transformation du symptôme au lieu de sa disparition.
Auto-critique d’une toute puissance
S’il est une conséquence bénéfique de la banalisation de la psychologie et de son ouverture à la population, c’est sans doute la perte d’une part de la toute puissance de certains psychologues, lesquels, sous couvert du secret professionnel ou de la complexité des mécanismes inconscients et du psychisme humain, se refusent à toute explication, alors même qu’elle serait nécessaire et profitable au bien-être du patient.
L’appropriation de certains concepts et découvertes de la psychologie a également conduit à une ouverture du cercle des ‘intellectuels du psychisme’, à la fêlure des murs dressés entre les praticiens et les chercheurs, ou encore aux croisements inter-disciplinaires.
Un grand nombre des réflexions présentées dans cet article recoupe les motivations du site psychologie.fr : il s’agit pour nous de permettre à tout à chacun d’accéder aux concepts de la psychologie et de la psychanalyse, mais aussi de la sociologie, de l’histoire et parfois même de la philosophie. Pour autant, cette présentation ne doit pas aboutir, à notre sens, à une simplification ou à une réduction de ces matières, mais davantage à un effort pédagogique de la part des rédacteurs, ainsi qu’à une invitation à la réflexion et à la recherche de sens, et surtout pas à des réponses toutes faites…