Difficulté de lecture : 3 / 5
La psychanalyse vue par Marie Cardinal: 'Les Mots pour le dire'
Marie Cardinal a reçu le prix Lettré de 1976 pour son ouvrage fascinant: 'Les Mots pour le dire'. Elle y décrit son analyse et son vécu. Elle nous conduit au fond de ses entrailles, dans les coins et recoins de son esprit aux prises avec la folie et nous fait plonger avec elle dans ses séances de psychanalyse où petit à petit, l'inconscient se dévoile.
Un livre abordable
Psychanalystes, psychologues et psychiatres, beaucoup ont la fâcheuse habitude d'employer un jargon technique lorsqu'il s'agit d'expliquer leur travail. Ce livre échappe totalement à ce défaut, certainement parce qu'il fut écrit par une patiente et non un thérapeute, ce qui n'enlève rien à son talent d'écrivaine.
Il ne s'agit pas d'un livre sur la psychanalyse, mais plutôt d'un livre sur l'évolution d'une patiente au travers d'une psychanalyse, et la différence est de taille: pour décrire ses fantasmes, elle ne parle pas de pulsions ou de déviances sexuelles mais décrit sa libido et ses rêves érotiques. Elle ne nous parle pas de somatisation mais explique avec un réalisme parfois cru, l'ensemble de ses symptômes physiques, de la boule d'angoisse à l'hémorragie vaginale.
Le cadre de la psychanalyse
Bien que le livre retrace sept années d'analyse, le lecteur ne saura rien du thérapeute, comme sa patiente. Nous connaîtrons par coeur la petite ruelle qui mène à son cabinet, sa salle d'attente, ses petits yeux noirs et son silence...
Comme l'auteure, vous serez frappés par la dureté de ses paroles, d'abord prises pour un manque de compréhension, voire une volonté perverse de s'enrichir sur une femme en détresse, avant de comprendre qu'elles décrivent l'investissement nécessaire du patient dans son analyse: "Vous viendrez trois fois par semaine pour trois séances de trois quarts d'heure chacune. Je dois vous avertir qu'une psychanalyse risque de bouleverser totalement votre vie. Enfin, vous devez savoir qu'une analyse dure au moins trois ans et que cela vous coûtera cher" (p31)
La relation patient-analyste
Transfert et contre transfert sont des mots qui reviennent très vite pour peu que l'on s'intéresse à la relation thérapeutique, pourtant, vous ne les trouverez pas dans ce livre. Pourquoi ? Parce que l'auteure ne souhaite pas les définir mais les décrire.
Elle parle ainsi de la reconnaissance qu'elle éprouve pour cet homme lors de son premier rendez vous car il lui parle sérieusement, comme à une adulte et non comme à une victime, puis elle évoque ses doutes devant son silence dérangeant et son inactivité apparente: "Il m'était souvent arrivé de me tourner vers lui brusquement, croyant le surprendre"(p142)
Elle n'hésite pas non plus à nous faire part de sa colère envers lui dans les longues périodes de stagnation de l'analyse, elle l'injure ouvertement, tandis que lui patiente, attendant que quelque chose se déclenche "Oui, oui, dîtes moi..."
La découverte de l'inconscient
Au fur et à mesure des pages, le lecteur découvre ce qu'est l'inconscient, comment il se manifeste, et surtout, comment naît son interprétation entre l'analyste et le patient. D'abord entre-aperçu à la manière d'un poisson qui file entre les mains en une seconde ("jusqu'à ce jour je n'avais jamais fait une véritable expédition dans l'inconscient. J'y avais été par hasard, presque sans savoir que j'y étais allée" p142), l'inconscient prend progressivement sa place primordiale dans l'analyse de l'écrivaine, jusqu'à constituer l'élément déclencheur de chaque pas en avant.
"Tuyau, à quoi ça vous fait penser, dites moi sans réfléchir, à quoi tuyau vous fait penser ?" De cette question de l'analyste, nous suivons alors, nous surprenant à lire à toute vitesse, les associations d'idées de la patiente jusqu'à ce qu'elle découvre l'origine de son hallucination dans laquelle un tuyau se colle sur son oeil et la terrorise: Tuyau - tube - tunnel - train - toilettes de train - microbes - décès de mon petit frère.
L'importance des rêves
L'auteure souligne l'absurdité de la médecine scientifique qui ne tient aucun compte de l'activité du cerveau durant la nuit. Pourtant, chacun reconnaît les mouvements répétitifs des yeux et l'activité du cerveau.
Si le patient entre en psychanalyse en expliquant ses difficultés, il n'aborde bien souvent que de la partie consciente de son histoire, et c'est au travers des rêves, de ses images et des mots qui y sont associés qu'il pourra avancer dans la compréhension de son inconscient.
Conclusions
Le livre 'Les mots pour le dire' de Marie Cardinal est parfait pour toutes les personnes qui s'interrogent sur la psychanalyse, sur son cadre et sur ses pratiques. Il dévoile les moments de soulagement et d'enthousiasme mais aussi les phases difficiles dans lesquelles le patient doute.