La pornographie et la sexualité des adolescents

La pornographie a envahi tous les médias : publicité, musique, internet. Adultes, adolescents et enfants, nous sommes tous soumis au diktat du visible. L'image suggérait et favorisait les rêveries érotiques. Aujourd'hui, elle est ouvertement sexuelle, crue, quasi chirurgicale.
 

Dans les vingt dernières années, la pornographie a évolué. A l'origine, elle accompagnait voire supportait le fantasme. Désormais, elle prescrit une norme rigide du rapport sexuel. Elle définit précisément l'enchevêtrement des corps et la succession des pratiques. Les films pornographiques suivent désormais une séquence immuable de plans et un enchainement toujours égal d'actions (fellation, pénétration, sodomie, éjaculation). L'acte sexuel est présenté comme une performance qu'il s'agit de reproduire. Les adolescents, notamment les garçons, tirent de cette reproductibilité la possibilité de se situer par rapport à leurs congénères. L'acte rigide et identique sert d'étalon pour l'évaluation de leur virilité.
 

L'image pornographique fait effraction dans l'idée que l'adolescent se fait de la sexualité. Elle est détachée des représentations, encore infantiles et pudiques, qu'il se fait de l'acte sexuel. En donnant à voir l'exact réel et l'organique, elle supprime le fantasme et l'imaginaire. Elle détruit le particulier de nos scénarios sexuels. C'est parce qu'elle a perdu son surplus originaire d'érotisme qu'elle est forcée de se radicaliser. Elle répond à une tendance de nos sociétés au "toujours plus et au toujours plus loin".
 

L'adolescent après ses premières relations sexuelles trouve dans la pornographie de quoi renouveler le plaisir pris. Cela soutient son désir et son accès à l'excitation même sans partenaire. Mais avant cela, elle le bloque dans une représentation angoissante car sans aucun lien avec un réel connu. De nombreux jeunes sont démunis devant la pornographie. Ils entrent dans les comparaisons et celles-ci sont délétères. Ils ne peuvent être à la hauteur puisqu'ils sont novices (rapport à l'idéal). De plus, ils associent sexualité, compétition et performance à accomplir.
 

La consommation de pornographie à l'adolescence structure les relations entre les garçons et les filles. Dans les films pornographiques, les femmes sont réduites à des objets de fantasmes. Le plaisir qu'elles simulent est un moyen de faire croire aux hommes, principaux consommateurs de pornographie, qu'ils sont puissants et capables de faire jouir leurs partenaires. L'adolescent perméable à ce qu'il voit (recherche de modèles identificatoires) prend au "pied de la lettre" les usages du film X. Les représentations des places liées au genre y sont sexistes et phallocentrées, elles lui tiennent lieu de références.
 

L'autre écueil de la pornographie est, qu'en les montrant, elle banalise les rapports à risques. Trente ans après le début de l'épidémie de VIH, bien peu de producteurs imposent l'utilisation des préservatifs. Ils mettent en scène des actes dangereux (éjaculations, jeux avec le sperme, …). Ils les érotisent et les instituent comme un plus de plaisir. Les adolescents ont déjà du mal à prendre soin de leur santé. Ils y trouvent de quoi justifier leur incapacité à se protéger. Si les adultes fantasmés comme virils n'utilisent pas de protections, ils considèrent qu'il est ringard de s'en démarquer.

Si nous considérons que la pornographie est un mode de découverte de la sexualité, il est nécessaire qu'elle montre des rapports respectueux entre les genres et qu'elle incite les adolescents à des relations protégeant leur santé. Surtout si par imitation, ceux-ci s'en servent pour se construire.