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La justice est-elle la même pour tous?
Alors que les principes démocratiques épousent des idéaux d’égalité pure, les français sont de plus en plus nombreux à dénoncer une justice à deux vitesses et à percevoir un fort sentiment d’injustice.
Justice légale et justice sociale
Ces deux notions se trouvent au cœur du fondement démocratique, elles sont souvent intriquées mais n’en restent pas moins différentes. La justice sociale est un idéal. Elle correspond à une répartition équitable des ressources matérielles et symboliques (pouvoir, prestige et reconnaissance) entre chaque citoyen, quelque soit son origine sociale et son hérédité.
La justice légale est la traduction de la volonté de justice sociale en terme légal. La loi démocratique pose ainsi, comme principe fondamental et inaliénable, le respect de l’égalité de droit : tous les hommes sont égaux devant la loi.
En théorie, justice sociale et justice légale se rejoignent. Pourtant, si l’on pousse le raisonnement, on s’aperçoit qu’elles impliquent toutes deux des corollaires qui peuvent parfois s’opposer.
Equité et égalité des chances
La justice de droit renvoie au principe d’égalité des chances : puisque chacun dispose des mêmes droits et interdits, les situations semblent égalitaires. Chaque enfant, quelque soit l’origine et les conditions de ses parents, se voit notamment offrir l’accès à la même éducation, portée par l’école de la République.
La justice sociale renvoie, quant à elle, à la notion d’équité. En fonction des sensibilités, certains traduisent l’équité comme une égalité de fait, alors que d’autres la définisse comme une récompense aux mérites individuels. Dans le champ économique, ces divergences aboutissent aux politiques sociales versus les politiques libérales.
Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la cohérence entre justice sociale et justice légale dans notre société : l’égalité des droits est-elle toujours synonyme d’égalité des chances ? Le principe d’équité, pensé comme récompense aux efforts individuels, doit-il se transmettre sur la génération suivante ? Autrement dit, l’enfant d’un individu ayant réussi a-t-il les mêmes droits et les mêmes chances que les autres ?
Si chacun pourra spontanément répondre oui ou non à la question de l’égalité des droits, il semble acquis qu’une grande majorité répondra par la négative à la question de l’égalité des chances. Ce serait en effet nier les influences de l’environnement sur le devenir d’un enfant. Alors, une seule interrogation semble rester en suspens : acceptera-t-on qu’un enfant est plus de chances qu’un autre, en raison du mérite de ses parents ? Autrement dit, celui qui naît de parents situés en bas de l’échelle sociale, doit-il partir dans la vie avec des ‘handicaps’ ?
Influence des préjugés sur le jugement
Il s’agit ici d’aborder l’autre versant de la justice, c'est-à-dire d’introduire une réflexion sur l’application de la justice légale et du principe d’égalité de droit : chacun a-t-il réellement les mêmes droits devant la justice, quelque soit son origine et sa position sociale ?
De très nombreuses expériences menées en psychologie sociale ont en effet clairement démontré l’influence des stéréotypes sur le jugement : les individus appartenant à des catégories stéréotypiques négatives sont plus souvent jugés coupables et leur peine est souvent plus sévère.
A l’inverse, d’autres expériences ont démontré que ces effets s’annulaient dés lors que le sujet en situation de jugement dispose d’informations individualisantes qui lui permettent de se sentir en capacité de juger. La question centrale est alors de savoir quels critères permettent aux uns et aux autres d’estimer disposer de bases valides et suffisantes pour juger.