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La fin de la classe moyenne en France ?
A l’heure où les écarts de richesses se creusent entre les riches et les pauvres, beaucoup sonnent le glas de la classe moyenne.
Une classe multiaxiale
La définition de la classe moyenne est l’une des plus complexes, tant elle recouvre des réalités sociales et culturelles diverses. Elle s’étend en effet de l’avocat et du médecin au fonctionnaire d’une petite commune, en passant par le professeur de l’éducation nationale. Autant dire que les différences sont significatives.
Pourtant, dés 1897, Gustav Schmoller (1), en précurseur de Pierre Bourdieu, avait su identifier les lois internes à la classe moyenne. D’après lui, toutes ses diversités s’expliquent d’après une variation sur deux axes : un axe vertical allant de l’avocat au fonctionnaire ‘moyen’ et un axe horizontal opposant le public et le privé, « c'est-à-dire le marché à l’État, l’éducation à la propriété, le culturel à l’économique » (Louis Chauvel, professeur à l’IEP-Paris, chercheur à l’OFCE et à l’OSC).
Deux évolutions divergentes
Selon ce modèle, on peut comprendre la disparité existante dans la classe moyenne, en distinguant deux évolutions divergentes. Les générations du babyboom et des trente glorieuses ont en effet connu une forte expansion, qui ne se retrouve pas chez leurs enfants.
Depuis 1955 (année de naissance), les filles et fils de la classe moyenne intermédiaire connaissent de réelles difficultés, alors que la classe moyenne haute, issue du privé, poursuit son développement. Par ailleurs, les ascensions sociales se sont largement raréfiées.
Des représentations erronées
Bien que le terme de ‘classe moyenne’ soit très régulièrement employé par les politiques, la plupart des français peinent à se forger une opinion stable sur son existence, très souvent condamnée à disparaître selon ces mêmes politiques.
Pour autant, il n’est pas établi qu’elle existait en tant que telle dans le passé, tout simplement parce qu’elle était en train de se constituer et ne pouvait donc pas donner lieu à une définition stable. Deux descriptions semblent en effet cœxister : d’une part, une classe moyenne synonyme de ‘français moyen’, et d’autre part, une vision beaucoup plus bourgeoise et qui consistait à nommer ‘classe moyenne’, ceux qui avaient accédé à la propriété ou encore ceux qui habitaient à l’intérieur des grandes villes, comme aujourd’hui, dans paris ‘intra-muros’.
Or, il est bien évident que de telles distinctions ne peuvent plus être pertinentes de nos jours. Les parisiens ont, certes, le prestige d’habiter la capitale, mais la flambée des prix de l’immobilier, pour ne traiter que cela, leur impose de vivre dans des maisons si exigües qu’il est impossible de se sentir privilégié.
Un nouvel axe ?
Les typologies de métier et les secteurs d’activité ne semblent plus être les seuls axes nécessaires à la définition de la classe moyenne. Un banquier avec une femme et deux enfants vivant à Paris n’aura absolument pas les mêmes conditions de vie s’il habite dans les grandes villes ou en province : le type de logement, sa surface, ses moyens de transport, son temps de trajet, son niveau de salaire, les écoles dans lesquelles il inscrira ses enfants, l’accès aux soins ou à des évènements culturels… tout ou presque diverge.
Il serait certainement intéressant d’interroger différentes catégories socio-professionnelles sur leur sentiment d’appartenance à la classe moyenne, selon que les individus habitent en ville ou en province. Peut être nous apercevrions-nous qu’il existe deux classes moyennes différentes ?
(1) Gustav Schmoller, Que connaissons-nous des classes moyennes ?, 1897