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La bisexualité masculine : origines et expressions
Dès les débuts de la psychanalyse, Freud a posé la bisexualité comme structure du psychisme humain. S’il a fait ce constat sur l’analyse des hystériques, il n’est jamais revenu sur ce principe de la psychanalyse : le psychisme est bisexuel1. Il se constitue autour d’un équilibre personnel des attractions hétérosexuelles et homosexuelles. Depuis, toute cure analytique questionne un jour la dimension bisexuelle du désir.
A l’origine, l’indétermination
La psychanalyse nous a montré comment, dès le premier âge, la pulsion ne relevait pas d’un sexe ou de l’autre. Aux origines, le bébé garçon ou fille est dans une relation passive au plaisir. Il tire ses plaisirs des soins qui lui sont apportés. Au milieu de tous ses soins, des zones se dessinent : les zones érogènes. Elles sont les mêmes pour tout le monde : sphère orale, sphère anale, sphère génitale puisque c’est autour de chacune d’elles que les premiers soins, les premières relations s’articulent.
Un destin particulier
Par la suite, elles connaissent des destins différents qui sont fonction des anatomies. Freud et la psychanalyse insistent sur le fait que toutes ces pulsions convergent vers le sexe et chez le garçon vers le pénis. Après cette convergence, même si elles sont moins directement visibles, toutes les zones érogènes préexistantes restent agissantes. Dès lors, dans les sexualités masculines, nous pouvons entendre chez chacun un assortiment unique entre pulsion actives et passives. Le désir masculin est un complexe mélange des désirs infantiles bisexuels, sans coloration particulière d’aucune sorte.
Un plaisir ambigu
Sándor Ferenczi, le principal disciple de Freud a apporté un éclairage fondamental dans la compréhension de la construction du désir et de l’orientation sexuelle. Dans Thalassa2, il démontre comment le plaisir masculin est profondément structuré par l’alliance de deux zones érogènes : génitale (active) et anale (passive). Ainsi, l’éjaculation ne peut avoir lieu que parce que la sphère anale est engagée avec le plaisir génital (rétention/expulsion). Au fond du désir de puissance des hommes se trouve renversée cette tentation inconsciente d’être l’objet de l’autre, d’être secouru par l’autre, d’être une possession de l’autre.
Les figures de la bisexualité masculine
Il serait faux de n’entendre cette bisexualité que sur le plan de l’acte sexuel. Elle est beaucoup plus vaste et se rencontre dans beaucoup d’activités sociales (le sport, le travail, la guerre, …) A regarder les accolades et embrassades plus ou moins suggestives qui signent un but au football ou la camaraderie virile des vestiaires ou des tranchées, nous pouvons percevoir comment l’inconscient et sa bisexualité trouvent des modes d’expression socialement admis. Toute amitié entre hommes tient son fondement dans cette attirance. En fonction des périodes de la vie, la dimension érotique de ces amitiés sera plus ou moins au premier plan.
L’adolescence bisexuelle
A l’adolescence par exemple, il est normal que des évènements viennent la précipiter. Il est étonnant de voir la promiscuité dans laquelle les garçons construisent leur clan amical. Il est courant que plusieurs d’entre eux passent toute leur journée à n’être qu’ensemble. L’attirance qui s’exprime dans ces comportements leur permet de se situer dans le groupe de pairs. Ainsi, ils vont séduire les mêmes filles voire aller jusqu’à se les échanger. La bisexualité à l’œuvre dans ces histoires est un élément constitutif du psychisme. En se dépassant (sublimation), elle va poser les codes des relations à l’autre masculin (code d’honneur, rivalité, territoire personnel).
L’émergence sociale de la bisexualité
Si la nature humaine est bisexuelle, la culture (la codification de la nature) demande à ce que les orientations soient tranchées. Il est trop difficile pour l’ordre social de penser une organisation qui ne soit pas binaire (hétérosexuel/homosexuel). De tout temps, les bisexuels (les androgynes pour les grecs) furent pourchassés pour le danger social qu’ils représentaient3-4. Mais alors que les prescriptions sociales se font plus lâches, cette troisième voie de la bisexualité s’affirme désormais. Les hommes semblent ainsi, mieux assumer aujourd'hui (modes androgynes, métro-sexuels) cette part inconsciente d’eux-mêmes.
(1) Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, 1905
(2) S. Ferenczi, Thalassa : Psychanalyse des origines de la vie sexuelle
(3) Platon, Le Banquet, 380 av. JC
(4) M. Vaglio, Néphilim, Armand Colin, Paris, 2010
(2) S. Ferenczi, Thalassa : Psychanalyse des origines de la vie sexuelle
(3) Platon, Le Banquet, 380 av. JC
(4) M. Vaglio, Néphilim, Armand Colin, Paris, 2010