L'importance du "parler vrai" dans la relation à son enfant

Lors de l'éducation de nos enfants, de nombreux sujets nous semblent difficiles à aborder. Nous sommes convaincus que nos enfants ne sont pas en âge de comprendre. En réalité, nous ne savons comment les aborder et nous nous mettons à tourner autour, avec un discours empreint de formalisme, désaffecté, au final bien souvent inutile.
 

Face aux crises qui jalonnent nos vies, nous leur inventons de petits mensonges croyant préserver nos enfants. En modifiant la réalité par notre parole, nous confrontons l'enfant à une vision du monde qui manque d'unité. D'un côté l'enfant perçoit de façon très fine les évènements du monde et de l'autre, nous ses référents, lui en proposons une analyse tronquée si ce n'est mensongère. L'enfant perçoit alors le décalage entre le monde proposé par ses repères et ce qu'il en perçoit directement. Il intègre alors précocement que ses repères et/ou ses perceptions ne sont pas fiables : il ressent une très grande insécurité.
 

L'enfant expérimente chaque jour et pousse toujours plus loin sa compréhension du monde. Chacune de ses incompréhensions, il va chercher à se les faire expliquer par ses modèles : ses parents ou les adultes de son environnement. Si la réponse qui lui est formulée n'a pas de stabilité dans le temps, l'enfant se construit sur une remise en cause permanente de la parole des garants de sa sérénité. Désormais, il saura que tout ce qui lui est dit n'est pas durable. Cette expérience de désillusion est terrible pour la parole de l'adulte : elle fait vaciller son autorité. En effet, l'autorité qui découle de la parole est indissociable de sa crédibilité.
 

L'enfant ne nous tient jamais rigueur quand nous ne savons pas ou que nous ne pouvons pas lui expliquer quelque chose. S'il perçoit que nous assumons nos vulnérabilités, nos lacunes, il comprend que la solidité de l'image qu'il a de nous tient plus dans le lien fiable qu'il peut tisser avec elle que dans l'idéal qu'elle renvoie. Beaucoup de jeunes traversent à l'adolescence des phases de rejet de toute autorité, parfois au prix d'actes délictueux ou violents. La première chose qu'ils prononcent est bien souvent : "nous ne pouvons pas faire confiance aux adultes, à nos parents". Nous entendons dans cette phrase qu'ils sont angoissés par la fragilité de leurs repères, c'est-à-dire du monde qu'ils se sont construit. A les écouter, nous apprenons quelle fut leur déception quand ils ont vu la parole parentale voler en éclat (ils me disent : "ne fais pas ça!", mais eux ils le font, …").

 

En "parlant vrai" à nos enfants, nous leur indiquons explicitement que nous nous adressons à des personnes que nous reconnaissons dignes d'être nos interlocuteurs. Nous leur donnons une place très importante, nous les valorisons. Pour autant, il ne s'agit pas de tout leur dire. Nous tenons dans la vie de nos enfants, la place d'interprètes du monde. A chaque âge de leur vie, nous avons la possibilité de leur faire part de nos analyses en nous assurant qu'ils nous ont bien compris. A terme, nos mots seront intégrés dans leurs discours et leur permettront de s'appuyer sur nous, leurs modèles, pour défendre et assumer leurs choix, pour devenir pleinement adultes.