Mode ZEN
L'impact des croyances et des certitudes sur les achats
La société de consommation dans laquelle nous vivons induit une surenchère de messages publicitaires et flux d’informations en tout genre. Cette médiatisation à outrance, qu’il s’agisse de démarches commerciales, de campagnes de santé publique ou encore spots politiques, a toujours pour objet d’influencer nos attitudes et d’orienter nos comportements. La psychologie, loin d’ignorer ces phénomènes d’influences sociales, s’est adaptée à ces évolutions en réalisant de nombreux travaux en psychologie du consommateur.
Les mécanismes de prise de décision
Prendre une décision est un mécanisme cognitif complexe. Si chacun, en fonction de son histoire et de ses traits de personnalité, adopte des comportements plus ou moins spécifiques, il n’en demeure pas moins qu’ils se basent sur des processus mentaux communs à tous. On aurait tort, en effet, de considérer que la décision se fonde sur une étude d’informations mises à disposition de l’individu en quantité et qualité suffisantes : les travaux ont démontré que le choix s’appuyait avant tout sur le degré de certitude du sujet.
Arrêter une décision implique d’avoir préalablement comparé différents produits, candidats ou arguments sur lesquels nous disposons d’un grand nombre d’informations. En effet, en plus des messages récents transmis par les médias ou les publicités, nous avons, au fil de notre vie, intégré quantité d’autres informations en rapport avec ce même objet ou encore sa catégorie (un rouge à lèvre appartient à la sous-catégorie représentée par sa marque puis à la catégorie générique ‘maquillage’). Pour un véhicule par exemple, une marque disposera d’une représentation mentale spécifique : celle-ci sera associée à la qualité, une autre à la robustesse ou encore à un service après-vente de mauvaise qualité… Ces informations sont tellement nombreuses et de natures multiples (certains produits sont également connotés à des affects particuliers, rappelant un souvenir joyeux ou au contraire, douloureux) qu’il serait impossible de les ramener en totalité à la conscience pour les comparer à celles du produit ‘concurrent’.
Ainsi, dans un principe d’économie cognitive, l’individu en situation de choix entreprend une évaluation basée sur un maximum de sept critères dont l’importance est variable. Trois propriétés sont fondamentales : le degré d’importance du critère dans le choix, son caractère discriminant vis-à-vis des autres produits et enfin, sa saillance pour le sujet. Un critère répondant à ces trois caractéristiques sera déterminant. Enfin, et en dernier lieu, c’est le degré de certitude de l’individu en sa croyance, qui assurera un ultime filtre entre les critères déterminants.
L’importance du degré de certitude
En psychologie de la consommation, la notion de certitude détermine dans quelle mesure la croyance d’un individu envers un produit aura une influence dans son évaluation. En ce sens, la certitude correspond au « degré d’assurance avec lequel le consommateur considère que sa croyance sur le produit est exacte »*1. Si cette certitude nous est essentielle car elle facilite nos décisions et nous rassure quant à nos choix, il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas synonyme d’exactitude.
Dans la langue française, exactitude et certitude s’expriment bien par deux mots distincts, le second se définissant comme ‘la conviction d’être dans le vrai’, et non le fait d’être dans le vrai. Cette distinction est aussi de vigueur en ce qui concerne les comportements d’achat : Cowley*2, en 2004, rappelait ainsi que « les critères les plus influents d’un produit sont ceux pour lesquels le consommateur a le plus de certitude, et cela indépendamment de leur exactitude. »
Il faut donc considérer que les choix des consommateurs ont beaucoup plus à voir avec l’image d’un produit (ou d’une marque, d’un candidat ou tout autre objet social), et la certitude envers la croyance qui y est associée, qu’avec l’exactitude de cette représentation. En d’autres termes, « ce que perçoit l’individu est, dans bien des cas, plus important que la réalité elle-même et ce qu’il perçoit avec certitude l’est encore davantage. »*3
Des exemples liés à la santé
Nous l’avons vu, le degré de certitude influence le comportement d’achat : plus on est certain de notre avis sur un produit, plus on aura tendance à l’acheter. De même, nul n’achètera un objet sans un niveau minimal de certitude sur sa valeur. On comprend donc que la certitude a à voir avec la confiance accordée par le consommateur à un produit.
L’exemple des médicaments génériques est, à ce titre, particulièrement parlant. Si ces derniers peinent à se vendre aussi bien que leurs cousins ‘de marque’, c’est bien du fait de leur image à laquelle des préjugés négatifs sont associés : moins efficaces, moins de certitude sur leurs effets ou la durée de leurs effets, moins de produits actifs, moins sûrs pour la santé… Les informations scientifiques sont peu ou pas recherchées par les individus et n’ont que peu d’impacts sur le choix. En revanche, les médicaments traditionnels, associés à une certitude d’efficacité, sont plébiscités.
A l’inverse, le fameux slogan ‘5 fruits et légumes par jour’ est globalement bien intégré par la population. Pour tout à chacun, la certitude envers l’exactitude du message est forte voire très forte. Pour autant, il ne se base pas sur l’exactitude des informations… Les diététiciens déconseillent de manger 5 fruits et légumes par jour ! En réalité, le conseil du programme national de lutte contre l’obésité est de manger 5 portions de légumes et fruits par jour… Ici, la certitude dans le fait de bien faire, entraine des comportements inadaptés.
*1 Définition formulée par Cally (docteur en science de gestion et psychologie du consommateur) en 2012, dans son livre : La certitude des consommateurs : concept et analyse des effets dans le cas de la nationalité de la marque.
*2 Cowley, E. 2004. Recognition confidence, recognition accuracy and choice, Journal of business research
*3 Cally, 2014 : « la certitude des acheteurs et son importance en psychologie du consommateur ».