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L’échec du modèle d’intégration français
Les différentes politiques d’intégration, menées depuis une quarantaine d’années en France, se sont avérées globalement décevantes. Comment expliquer les difficultés de notre pays à intégrer ses différentes composantes et les différentes strates de son histoire ?
Pourquoi parler d’échec ?
Dans notre pays, l’échec du modèle d’intégration se traduit par une intensification du nationalisme, du racisme et des discriminations, mais aussi par l’accroissement des inégalités sociales et professionnelles en fonction des origines.
Chacun a encore en mémoire la percée de Front national lors de l’élection présidentielle de 2002, ‘performance’ qui suffit à amplement à démontrer le développement du nationalisme. Nous pourrions également parler des taux de chômage bien plus importants chez les français ‘issus de l’immigration’ ou encore des chiffres de la délinquance qui touchent plus fortement les populations étrangères et qui témoignent d’importantes difficultés dans leurs intégrations scolaires et sociales.
L’échec se traduit également au travers des politiques de la ville, directement responsables de la création de ces ‘cité-ghetto’ qui ont provoqué et développé le repli communautaire et qui permettent aux institutions et employeurs de ‘reconnaître’ l’origine des individus par la seule énonciation de leur adresse.
La déconstruction des valeurs communes
Deux évènements relativement récents représentent les tendances des politiques menées ces dernières années en matière d’intégration: le débat sur l’identité nationale et la création des journées d’intégration en 2007.
Ces deux évènements nous semblent en effet refléter la volonté des politiques de réaffirmer les valeurs qui définissaient la France bien avant l’émigration des populations étrangères, au détriment de l’expression des mémoires communes aux français et aux étrangers acquises durant les années qui suivirent leur arrivée.
Il ne s’agit pas de renier l’histoire de notre pays, ni de minimiser les épisodes qui firent sa renommée. Pour autant, définir la France uniquement au travers de la révolution, de son hymne ou encore du principe de liberté et d’égalité des femmes vis-à-vis des hommes (inscrit dans la loi mais non appliqué dans la vie quotidienne), tend à intensifier le sentiment nationale tout en niant l’histoire commune aux français et aux étrangers depuis l’ouverture des frontières.
Les mécanismes de création des groupes
L’homogénéité d’un groupe et le développement du sentiment d’appartenance de ses membres nécessitent un certain nombre de conditions clairement identifiées par la psychologie sociale.
Idéalement, le processus d’intégration devrait se traduire par la suppression des deux identités actuelles de français versus les ‘français issus de l’immigration’ en faveur de l’instauration d’une identité commune. L’identité collective se définit en effet comme « une réalité objective (réalités symboliques partagées) qui est l'objet d'une construction sociale qui précède l'identité personnelle et qui se construit dans l'encadrement et par l'intériorisation de cette identité collective» (1).
Cette citation nous permet de définir l’identité collective comme la résultante d’interactions sociales en mouvement. Or, nous avons vu, au travers des deux exemples des politiques d’intégration, que l’interaction n’est pas exprimée. Elle est reniée et effacée par une juxtaposition d’étiquettes rigides : «les identités fixes, que les groupes de toute nature (nationaux, régionaux, ethniques, d'immigration....) se jettent à la figure pour qualifier les uns et les autres ne sont que des problèmes figés, par l'effet des circonstances, par le développement autonome des mythes, ou par la volonté de les entretenir » (2).
(1) «Du social à l'individuel: naissance d'une identité bilingue» dans Jocelyn Létoumeau (dir.), La question identitaire au Canada francophone, Récits, parcours, enjeux, hors-lieux, SainteFoy, Les Presses de l'Université Laval, 1994
(2) «Les stratégies identitaires des inunigrés», dans Jean-Claude Ruano-Borbalan (coord.)