Psychologie

Depuis quelques années, à grand renfort de stars en clinique de désintoxication, l'addiction sexuelle a fait une entrée remarquée dans le cabinet des psys. Existe-t-il une addiction au sexe ? N'est-ce pas une terminologie usurpée ? Et si celle-ci se présente bel et bien, est-il possible voire souhaitable de s'en passer ?
 

Addiction ou compulsion ?

L'augmentation de l'activité sexuelle se rencontre dans bon nombre de problématiques individuelles. Le besoin d'entretenir de nombreux rapports s'il pose un souci à celui ou celle qui le ressent est à entendre comme un symptôme. Il possède un sens particulier pour chacun(e) de celles et ceux qui l'expriment. Faut-il pour autant parler d'addiction quand il ne s'agit probablement que de compulsion ? En réalité les similitudes sont nombreuses. D'abord, ce qui fonde le mécanisme addictif est un certain rapport au plaisir. Le plaisir est recherché pour l'effet d'anesthésie, notamment psychique, qui le suit. Sur le plan physiologique, les endorphines relarguées entraînent un état de relâchement et d'apaisement des tensions. La compulsion obtient le même effet. Après le comportement compulsif, durant un cours instant l'angoisse s'amenuise. Sur le plan du but visé, l'addiction et la compulsion sont similaires : en finir avec le déplaisir.
 

L'addiction sans substance : un mythe sans héros ?

En revanche, pour qu'il y ait addiction, une substance est nécessaire. C'est la prise de celle-ci qui est source de plaisir et qui par suite pousse à en reprendre pour retrouver ce bien-être initial et transitoire. Chez les accros au sexe, point de substance, c'est la sensation plaisante qui soutient la répétition de la conduite. En conséquence, si l'état obtenu est assez proche, le processus est lui très différent. Le sexe comme les drogues plus traditionnelles est auto-calmant mais la problématique sous-jacente y est d'un autre registre. 

Quand il y a prise de substance, il y a symboliquement ajout. C'est un cataplasme sur un manque. En l'absence de produit, il y aurait plus un manque de manque. Pas besoin de produit puisque que psychiquement, il n'y a pas de "trou". D'un côté, il y a un désir fort (manque) et de l'autre, a contrario, une fragilité de la possibilité désirante (manque de manque). Lors de la prise de toxique, il y a une demande formulée ("j'en veux" voire "j'en ai besoin") à un agent extérieur que vise le désir : "l'addict" souhaite incorporer l'objet pour le plaisir qu'il lui apporte. L'agent est l'analogue du plaisir, le toxicomane avale ou intègre du plaisir, inaccessible autrement. Dans la frénésie sexuelle, rien de tel : pas de désir, pas d'appel vers l'extérieur, la tension interne désagréable s'épuise (plaisir) dans le mouvement.
 

Quand l'amour se prend pour du sexe

Dans la sexualité compulsive, l'angoisse cherche à prendre forme puis à s'atténuer. L'apaisement se produit par l'entremise d'un(e) partenaire. Bien souvent, l'autre est imaginé comme un relais ou renfort du narcissisme. Chaque amant(e) est une preuve que le sujet s'apporte quant à sa supposée "grandeur". Les conquêtes viennent grossir le Moi. Mais nombreux sont les accros au sexe qui se leurrent sur leur désir réel. A travers l'acte, ils tentent en fait d'assouvir une demande d'affect, peut-être même d'amour. La sexualité y recouvre les sentiments. Le plaisir pris voile la peur du manque, voire la crainte de l'abandon que ferait courir un attachement réel. L'accro semble nous dire que la tension somatique consécutive à un inassouvissement sexuel est préférable à la souffrance morale issue d'un éventuel désamour.
 

Le désir, le moteur de la vie

La question n'est pas d'entraver le désir. Il soutient les pulsions de vie. Quand il vient à capituler, ce sont la joie de vivre et l'énergie qui s'effondrent. Plutôt que de vouloir vider le désir, la solution vient peut-être de ce que celui-ci peut se sublimer. Réfléchir à quelles sont nos valeurs fondamentales nous fait entrevoir que le rapport sexuel brut ne nous intéresse que très ponctuellement. Derrière la satisfaction immédiate, il vise toujours une réalisation plus grande. Nous sommes tous des individus pris dans le besoin d'affection. C'est elle que nous cherchons inconsciemment à obtenir dans toutes nos conduites. La psychanalyste Julia Kristeva écrivait d'ailleurs en 1985 qu'être psychanalyste, c'est savoir que toutes les histoires reviennent à parler d'amour".

Mais l'amour est une forme de sublimation absolue. A partir de nos instincts les plus primaires, c'est par lui que nous élaborons les formes les plus raffinées de civilisation et de culture. C'est un plaisir "à demi" que celui qui survient dans la mécanique sexuelle, il est sans commune mesure avec celui du ravissement de l'affliction amoureuse. A tel point d'ailleurs que nous pouvons trouver des exemples de sujets chez qui le dynamisme sexuel a régressé lorsqu'ils sont tombés profondément amoureux. Ils nous montrent que le bénéfice qu'ils ont trouvé dans la passion (amoureuse, foi, hobby) surpasse de beaucoup celui rencontré dans l'acte. Acte, par ailleurs limité, tant dans son expansion que dans son expression, que ce soit par le corps (limites somatiques) ou par le temps (durée).
 

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