Je déteste mon petit frère / ma petite sœur : que faire de ce ressenti tabou ?

Dire « je déteste mon frère » ou « ma sœur m’insupporte » reste tabou dans bien des familles. L’amour fraternel est souvent présenté comme naturel, évident, inconditionnel. Pourtant, la réalité est bien plus complexe. Derrière ces phrases parfois violentes, se cache souvent une accumulation de tensions, de jalousies, de blessures anciennes ou réactivées. Reconnaître ce que l’on ressent ne veut pas dire valider la haine, mais ouvrir un espace de compréhension et de dénouement intérieur.
Quand la fratrie n’est pas synonyme d’affection
Tous les frères et sœurs ne s’aiment pas spontanément. Certains ne se sont jamais entendus. D’autres se sont éloignés après une enfance fusionnelle. Il y a ceux qui sont en rivalité constante, ceux qui se comparent, ceux qui ne se comprennent tout simplement pas. Ce qui dérange dans l’autre peut venir de différences de caractère, mais aussi du rôle que chacun a occupé dans la famille. Parfois, ce que l’on rejette chez l’autre, c’est le reflet d’un malaise plus profond.
La jalousie, une émotion fréquente mais rarement dite
La jalousie fraternelle est humaine, universelle… et souvent niée. L’arrivée d’un cadet peut avoir été vécue comme un vol d’attention, un bouleversement non nommé. Si les émotions n’ont pas pu être exprimées, elles peuvent se cristalliser en rancune durable. L’enfant, puis l’adulte, peut garder en lui un sentiment d’injustice, une blessure d’amour-propre, ou la sensation d’avoir toujours été moins vu, moins aimé, moins écouté. Ces blessures réactivent des affects forts, parfois disproportionnés.
Derrière la haine, un lien ambivalent
Détester un frère ou une sœur ne signifie pas qu’on ne tient pas à eux. La haine dans la fratrie est souvent le miroir d’un lien intense, conflictuel mais chargé d’attente. On déteste parfois ceux dont on aurait aimé être proches, ou ceux dont la place semble menacer la nôtre. Cette ambivalence — faite d’attirance, de rejet, de douleur — est typique des liens familiaux. Elle montre que la relation ne laisse pas indifférent, même quand on croit vouloir s’en couper.
Quand la colère devient une identité
Dans certaines familles, les tensions entre frères et sœurs s’installent comme une normalité. Les conflits répétés finissent par figer chacun dans une posture : l’agressif, le faible, le bouc émissaire, l’indifférent… Ce rôle assigné peut devenir une identité relationnelle, difficile à dépasser. La haine alors ne parle plus seulement de l’autre, mais de soi dans le lien : de ce que l’on n’a pas pu dire, de ce que l’on a porté trop longtemps, ou de ce que l’on rejoue inconsciemment.
Réparer, ou se protéger : deux chemins possibles
Toutes les relations fraternelles ne se réparent pas. Mais il est possible d’alléger ce que l’on porte, même sans réconciliation. Cela commence par accepter son ressenti sans culpabilité, et explorer ce qu’il dit de soi. Dans certains cas, renouer le dialogue, exprimer une colère ancienne, poser des limites peut ouvrir un nouvel espace. Dans d’autres, il est nécessaire de prendre de la distance pour se préserver. Dans tous les cas, sortir du déni ou du silence permet de se redéfinir autrement que dans la haine ou le rejet.