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Genèse de la vie psychique, naissance du psyche
Le psychanalyste Didier Anzieu prolongea les hypothèses freudiennes sur la naissance du psychisme en s’appuyant notamment sur les travaux de Mélanie Klein.
La peau psychique
Mélanie Klein mit à l’épreuve les théories freudiennes par l’observation de ses propres enfants. Dés 1968, l’une de ses disciples, Esther Bick, faisait l’hypothèse d’une peau psychique. Par ailleurs, le pédiatre Brazelton démontra que dés la naissance, le bébé est en interaction avec son environnement, probablement grâce aux expériences sensorielles vécues durant la gestation.
Or, dés 1923, Freud écrivait « le Moi est avant tout un Moi corporel » car ce sont les excitations corporelles qui créent les pulsions, elles-mêmes à l'origine du psychisme. Ainsi donc, on peut considérer le Moi « comme la projection mentale de la surface du corps ».
Les expériences sensorielles du nourrisson dans l’utérus créeraient donc une ébauche de Moi, qui dans les premiers temps après l’accouchement, reste éparpillé suite au traumatisme de la naissance et à la perte des repères construits dans la vie utérine. Anzieu fit donc l’hypothèse qu’il persisterait pendant un certain temps, une « peau commune à la mère et l’enfant », d’où l’idée d’une naissance psychique postérieure à la naissance biologique.
Le Soi kleinien
Toutes les mères apprennent à repérer très tôt les phases d’activité et de calme du fœtus et plus tard, les parents remarquent les réponses du bébé à leur voix ou à leurs stimulations. La manière dont la mère porte l’enfant revêt donc une grande importance puisque son environnement agit directement sur le fœtus : alimentation, bruits, décharges hormonales de la mère dépendant de ce qu’elle ressent, mais aussi le rythme de sa marche, sa vie gestuelle etc…
D’après la théorie freudienne selon laquelle le psychisme naît en même temps que l’excitation biologique, l’ensemble de ces stimuli créerait donc des réponses psychiques restant désordonnées car sans localité puisque l’appareil psychique ne peut être autonome, le corps du bébé n’étant pas fermé de l’extérieur.
Les psychanalystes post-kleinien, grâce à leurs observations des nouveaux-nés, ont ainsi fait l’hypothèse d’un psychisme rudimentaire qu’ils appelleront Soi. Durant la grossesse, le nourrisson vit dans un environnement aquatique et clos pressenti comme indifférencié de son propre corps. Le Soi se figurerait donc comme un Soi liquide, d’où les angoisses archaïques de dispersion, d’écoulement ou de chute que toute mère est en mesure d’observer chez son enfant.
Naissance du Moi
On estime la naissance du Moi à l’âge de 12 semaines environs, lorsque le bébé, par des successions d’acquisition puis de retour aux fonctionnements antérieurs, acquiert progressivement un sentiment d’unité.
Selon Geneviève Haag, ses acquisitions seraient associées à l’adoption, par l’enfant, d’une position dans laquelle il échange un regard soutenu avec l’un des parents et joint ses mains en les posant l’une contre l’autre. Ce geste, souvent retrouvé à l’âge adulte lorsque nous rassemblons nos pensées ou lors d’entretiens cliniques conduits avec des enfants victimes de traumatismes, serait l’intériorisation du maintien maternel sécurisant.
Le sentiment d’unicité de l’enfant s’acquiert essentiellement par le toucher car il permet au bébé de se différencier de son environnement. L’enveloppe fournie par l’entourage de l’enfant est tactile, par les soins et les caresses, sonore par les voix, la musique et les mots, olfactive aussi (un nouveau-né reconnaît l’odeur de sa mère). Elle se complète au travers de ses propres expériences. L’enveloppe psychique se constitue ainsi en deux mouvements : l’un tourné vers l’intérieur, l’autre vers l’extérieur.