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France Inter : la prime à l’intelligence
L’attachement des français à la radio est certain : selon Médiamétrie, nous sommes 42.9 millions à allumer notre radio au moins une fois par jour. Parmi les stations plébiscitées, France Inter marque par son esprit ‘citoyen’.
Une culture citoyenne
Qu’est ce qu’une culture citoyenne ? En quoi France Inter apparaît-elle comme une radio citoyenne ?
Il suffit de quelques minutes d’écoute de la station pour entendre ce mot, ‘citoyen’, qui semble revenir d’un temps passé, tant cette notion est abandonnée par les pouvoirs publics. L’une des réponses les plus immédiates consiste à témoigner de ‘l’autonomie’ des interlocuteurs et débats proposés par France Inter.
Il s’agit d’une autonomie pensée selon les termes d’E. Prairat (1) comme rapport à la loi. Le premier niveau de rapport à la loi n’est en effet que contrainte et obligation, poussant alors l’individu vers la transgression. Le second niveau se construit lorsque la loi n’est plus pensée comme imposée de l’extérieur, mais comme une élaboration collective, permettant au collectif de mieux vivre et de tenir des engagements et des consentements réciproques.
France Inter, en proposant un programme culturel éclectique, en offrant des débats sur des thèmes de société, dans lesquels les opinions s’expriment et les arguments s’affrontent, participe donc au développement du débat démocratique. Les émissions permettent d’interroger le sens de notre société, au travers de l’ensemble de ses composantes. Ainsi, il nous semble que France Inter se présente comme un vecteur permettant de passer d’une morale imposée et standardisée vers une morale autonome, premier pas vers une démarche éthique.
Le temps du sens
L’une des évolutions majeures de notre société, par ailleurs parfois jugée de régression, consiste certainement en son accélération. Particulièrement flagrante dans les médias, et notamment à la télévision, on constate en effet que la parole est de plus en plus coupée, hachée puis recomposée pour parvenir au sensationnel, élément sans lequel, semble-t-il, l’intérêt des français ne peut être suscité.
La première des conséquences à cette déformation de la parole réside bien entendu, dans la déformation du message véhiculé, mais elle n’est pas la seule. Interrompre la parole, c’est aussi interrompre la pensée, interdire aux mots d’élaborer un sens, et par conséquent, empêcher la transmission, la compréhension, l’explication ou encore l’argumentation.
Or, le second élément le plus frappant à l’écoute d’une émission culturelle de France Inter, c’est justement la lenteur des mots, le rythme lent des phrases ainsi que la durée des débats et des échanges d’opinions. Les interlocuteurs sont donc en mesure d’expliquer leurs pensées et leurs fondements, tandis que l’auditeur ne peine pas à saisir le sens des interventions. Le résultat est efficace : le débat est réel et profond.
Le respect des opinions et des invités
Sur France Inter, pas de talk show à l’américaine, pas de propos tendancieux ou démagogiques, réduisant les invités à une simple phrase extirpée de son contexte. Non, les arguments et contre-arguments portent sur les idées, sur les opinions, et non sur les personnes.
Les échanges ont beau être parfois, et même souvent, très critiques, ils sont exempts de toute attaque personnelle et se fondent sur des affirmations et des actes concrets, ce qui, d’ailleurs, n’en appuient que davantage la portée.
Il n’en reste pas moins que les émissions offrent un certain franc-parler auquel nous ne sommes malheureusement plus habitués. Et oui, messieurs, dames, sur France Inter, on cultive la liberté d’expression et l’esprit critique, pour le plus grand bien de la démocratie !
(1) E Prairat, La sanction, L’Harmattan, 1997