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Facebook et twitter : le monde du vide ?
Selon les derniers chiffres de Mediamétrie, Facebook, qui a récemment inscrit son 400 millionième utilisateur mondial, comptabiliserait 30 millions d’utilisateurs occasionnels et 15 millions de membres actifs en France. Twitter, quant à lui, se situe encore à un autre niveau, mais sa croissance n’en est pas moins remarquable.
Culture de l’immédiat et non-sens
Nos sociétés post-modernes se traduisent, on le sait, par une disparition des collectifs au profit d’un individualisme exacerbé, par une désaffection des mouvements idéologiques et politiques et par une déqualification quasi-systématique du passé.
Cette absence d’inscription de l’individu dans un groupe ou dans une histoire lime progressivement le sens, qu’il s’agisse du sens de sa vie, de ses motivations etc… ou son sens idéologique et philosophique : comment se comprendre sans s’appuyer sur son histoire ? Comment se forger une opinion ‘sociale’, c'est-à-dire qui porte sur un collectif, en niant son propre groupe d’appartenance ?
Les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, semblent symboliser ce culte de l’individu et de l’immédiateté. Leur réussite traduit une mutation sociologique à part entière, basée sur une personnalisation et un narcissisme exacerbés, ainsi qu’un flux constant d’informations. Progressivement, les membres de ces réseaux créent leur propre monde, à l’intérieur de celui des entités virtuelles, et développent ainsi une appartenance imaginaire.
Une propagande de…soi
Le terrorisme, la multiplication des affaires et scandales politiques, la crise économique, les désastres climatiques ou encore la dégradation constante de l’environnement et peut être encore plus les incidents sanitaires et sociaux (affaires dusang contaminé et récemment du médiator) ont détruit la confiance de la population en ses leaders politiques et institutionnels, et créé un sentiment d’impuissance et de pessimisme.
Chacun se replia donc sur soi, telle une stratégie de survie, quitte à développer un investissement de soi (dans le présent) sans précédent. Les réseaux sociaux en sont la manifestation la plus symbolique puisqu’ils consistent en une présentation de soi au monde. Non une présentation succincte, mais au contraire, la plus large possible : goûts musicaux, hobbies, métiers, amis, évènements de sa vie etc…
Le challenge devient alors de valoriser son profil et, comme dans la vie ‘réelle’, de sortir du lot, en affichant un nombre toujours plus élevé ‘d’amis’ et des ‘j’aime’ plus originaux les uns que les autres.
Et pourtant…
Vous l’aurez compris, de très nombreuses voix s’élèvent pour critiquer ces réseaux sociaux, leur individualisme, leur narcissisme et leur culte du présent. Et pourtant… A la lecture des derniers évènements survenus en Tunisie, nous nous interrogeons.
Facebook ou Youtube ont en effet joué un rôle certain dans cette révolution, en contribuant à la diffusion de l’information réelle et donc en rendant impossible les falsifications du gouvernement et sa propagande. Ils ont ainsi parfaitement joué leur rôle de lien social, en transcendant les frontières de la nation, ce qu'aucune révolution ne su réaliser auparavant. Il est également indéniable de leur reconnaître un rôle dans la rapidité exceptionnelle de cette révolte (un mois seulement !).
N’est ce pas là, la preuve indéniable que les réseaux sociaux ne sont pas vides de sens et que les liens qui s’y nouent sont parfois bien réels ? N’est ce pas la preuve que les idéaux de liberté et l’inscription de chacun dans un collectif se battant pour un futur démocratique, ne sont pas si éteints que cela ?
Bien sûr, cette révolution s’est déroulée dans un pays que l’on ne peut comparer au notre en termes de post-modernité, mais cela ne doit pas effacer le rôle des réseaux sociaux dans son déroulement. Après tout, cette nouvelle forme de lien social est bien récente au regard de l’histoire, comment préjuger, dés aujourd’hui, de son évolution ?
Ne pourrions-nous pas voir en eux, la naissance d’un contre-pouvoir fulgurant des individus sur les pouvoirs étatiques au sens d’Elias (contrôle des habitants d’un territoire par la maîtrise des relations à distance et du pouvoir bureaucratique) ? Et si cette étape individualiste ouvrait la voix à une prise de conscience individuelle des grandes questions sociales et politiques sur l’ensemble de la planète, au détriment des Etats et des politiques ? Un peu d’optimisme ne peut jamais faire de mal…