Mode ZEN
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Enfants sur mesure = produits avec option(s) ?
L'essor de la génétique, la connaissance précise du génome humain et les techniques récentes de médecine prénatale permettent, dès sa conception, de présager, voire de planifier l'enfant à naître. Pour l'heure, en France, ces techniques ne sont autorisées qu'en présence d'un risque élevé de malformations graves du fœtus. Toutefois, la demande augmente parmi les parents de choisir certaines caractéristiques de leurs futurs bébés (sexe, couleurs des yeux, des cheveux,…). Au-delà des questions éthiques soulevées par le spectre de l'eugénisme, il est primordial de comprendre quelles sont les motivations inconscientes derrière ses demandes. A terme elles modifient le statut du futur bébé et le transforment en "produit de consommation" (répondant en tout point à nos besoins).
Le bébé rêvé
Avant même sa conception, le bébé est pensé et livré à l'imaginaire de ses parents. Nous projetons sur lui nos interrogations et nos espoirs. Dans nos esprits, il devra satisfaire nombre de nos désirs. Il pourrait, par exemple, devoir compenser les insatisfactions causées par ses aînés. Ainsi, après plusieurs enfants du même sexe, il n'est pas rare que nous souhaitions un bébé du sexe opposé. Nous percevons qu'il occupe une place privilégiée dans notre réalisation en temps que parents idéaux (bâtisseurs de la famille idéale).
Un prolongement narcissique à notre image
Le foetus et ses parents ne peuvent être pensés séparément. Avant la naissance, le bébé occupe déjà une place centrale du discours parental mais aussi du discours familial. Nous projetons sur lui notre conception de la vie et de l'être. Inconsciemment, nous attendons qu'il vienne compléter nos manques, qu'il prolonge notre accomplissement. Dans la logique de la filiation, nous nous rendons, par la pensée, maître de notre finitude. L'enfant nous survivant, il assure notre poursuite dans un temps auquel nous n'aurons pas accès. Il est le réceptacle de l'image inconsciente que nous aimerions montrer et laisser. Il concentre nos idéaux personnels.
Une histoire commune qui connaît deux faces
Il apparaît que nous écrivons avant sa naissance sur la page encore vierge de son "livre de vie". La vie ne nous garantit jamais toutes les satisfactions que nous en attendions. Le bébé devient, dans une certaine mesure, le supplément d'espérances dont nous manquions : un espace psychique que nous pourrions vouloir conquérir. Pris dans cette recherche de la satisfaction totale, nous sommes nombreux à nous duper sur la possibilité offerte par notre enfant de nous réaliser. Par ailleurs, nous sommes pris dans des sociétés où la réalisation de soi passe par une question d'avoir, souvent plus, parfois mieux. Nous rêvons alors d'une progéniture parfaite selon les codes et les définitions issus de nos groupes sociaux d'appartenance. L'enfant parfait sonne comme l'exact pendant du parent idéal que nous aimerions être.
Le danger d'un désir pris pour réalité
Le désir au niveau inconscient ne connaît pas de restriction, il est donc légitime d'y désirer un enfant conforme à nos attentes. Sur le plan de la logique du désir ce n'est pas critiquable. Ce qui pourrait l'être en revanche c'est que cette logique, imposée à la réalité, ne reconnaisse pas à l'enfant le statut d'être indépendant et son droit au libre arbitre. Le devenir parent est un apprentissage du renoncement à produire un enfant sous-contrôle, idéal. Au fur et à mesure de son développement, ses choix se substituant au nôtre, nous lui permettons de se saisir de son individualité et d'une histoire sur laquelle à terme nous n'aurons plus à nous prononcer. Le bébé puis l'enfant sont des personnes. Ces autres, quand bien même sont-ils les nôtres, il nous faudra apprendre à les connaître et à les accepter. Et s'il est une réalité qui se vérifie, c'est que nos désirs initiaux se modifieront beaucoup plus certainement que ces petits êtres n'accepteront de le faire afin de coller à nos imaginaires.