Culture et habitudes alimentaires
L'alimentation ne cesse de révéler, au regard qui l'interroge, des modes de fonctionnement et des valeurs acquises au fil des générations, une sorte de ciment qui forge l'appartenance à un groupe social.
Des déterminants environnementaux
Chaque peuple a appris à négocier son environnement pour en tirer une alimentation nécessaire à sa survie. En fonction du relief, du climat, de la nature du sol et de l'état des connaissances et des équipements disponibles, l'agriculture a alimenté son homme. L'Europe de l'ouest a privilégié le froment, l'Europe de l'est le seigle, l'Extrême-Orient le riz, l'Amérique centrale le maïs et l'Afrique le millet. En France, le nord cuisine au beurre et mange riche en protéine et en sucre alors que le sud, en particulier le pourtour méditerranéen, mijote à l'huile et affectionne les huiles végétales, les fruits et les légumes. L'alimentation s'inscrit dans un environnement naturel sur lequel d'autres facteurs prennent prise.
Un héritage social
L'alimentation répond à un besoin biologique et sert, en même temps, de vecteur d'apprentissage culturel et social. La table agit comme un théâtre où se tissent et se jouent les liens sociaux et où s'expriment les valeurs sociales du groupe. En Chine règne un sentiment d'égalité et de partage parmi les convives de la tablée, alors que la France du 17èm et du 18èm siècle instaurait une hiérarchie sociale très poussée qui s'est estompée pour laisser place aujourd'hui à une certaine égalité et à un certain individualisme. Ainsi, à table, l'individu apprend les codes sociaux qui lui préexistent et qui se retrouvent dans les règles relatives au respect, à la liberté (de parole, d'action...), à la tenue, à l'écoute, à ce condensé d'ensemble de demandes qui pèse sur lui. La "mise à table" permet une intégration et une régulation des règles sociales.
Un héritage culturel
L'alimentation donne à voir tout un indicateur de valeurs culturelles. Repas que l'on mange avec les doigts (en Afrique et en Asie) dans un plat commun où peuvent être séparés les enfants et les parents ou les femmes et les hommes. Plat que l'on sert de façon à présenter les meilleurs morceaux face à l'hôte que l'on souhaite honorer. Le fait de s'alimenter peut être perçu comme l'opportunité d'un temps social, convivial et de détente, comme c'est toujours le cas en France ou peut être davantage intériorisé comme un moyen de répondre à un besoin biologique comme c'est le cas pour les américains qui mangent sur le pouce, 6 à 8 fois par jour. Si les français consomment toujours 3 repas par jour, en Polynésie il est coutume de ne prendre que 2 repas par jour ou même 1 seul repas au Royaume de Tanga. Pareillement, les aliments consommés diffèrent en fonction des habitudes locales. Au petit-déjeuner, par exemple, on sert du poisson au Japon, de la soupe au Vietnam, de la charcuterie en Allemagne et du pain et de la confiture en France.
L'alimentation, le reflet de nos valeurs
La cuisine porte aussi l'influence de la religion, de croyances passées ou de valeurs choisies: pas de porc pour les musulmans (c'est inscrit dans le Coran), pas de viande pour les bouddhistes qui vénèrent toute vie, pas de viande non plus pour les Massaï qui se refusent à tuer les animaux mais leur prélèvent du sang qu'ils boivent... La cuisine dessine une véritable carte du patrimoine culturel des régions, à l'échelle d'un pays ou d'un continent. Avec l'élévation du niveau de vie, tout au moins en Occident, elle révèle de moins en moins l'appartenance à un milieu social. Par contre, la façon de s'alimenter subit l'influence du mode de vie moderne où le travail et la pression économique pèsent insidieusement et provoquent une tendance à la déstructuration de l'alimentation. Celle-ci est d'ailleurs montrée du doigt par l'OMS (1) qui l'accuse de générer prise de poids et obésité, obésité qualifiée dorénavant de nouveau fléau mondial. Comme le dit le fameux adage "dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es", l'alimentation parle de nous, à notre insu, et nous construit, plus qu'on ne se l'imagine.
(1) Organisation Mondiale de la Santé.