Croire en son pays
Pour pouvoir avancer sereinement sur le chemin de sa vie, il faut pouvoir se sentir en confiance dans le pays dans lequel on se trouve. En France, la défiance est grande à l'endroit des dirigeants, des élites, des personnes de pouvoir...
Le pays de la défiance
La population française est connue pour son rapport très particulier à l'autorité et à la hiérarchie... Dans une sorte d’ambivalence toute hexagonale, nous cultivons à la fois une certaine nostalgie pour la monarchie et les rois de France tout en rejetant à peu près toutes les formes de pouvoirs actuels. Des élites intellectuelles aux experts de tous domaines, ceux-ci jouissent d’une image souvent dévalorisée, parfois ridiculisée. De la même manière, les dirigeants politiques sont le plus souvent malaimés, accusés de bien des maux. Le fameux « tous pourris, tous corrompus » fait toujours recette sans que beaucoup y voient à redire… Que dire des chiffres officiels de la hausse des prix, du chômage ou de la délinquance qui sont d’emblée considérés comme faux et manipulés alors que ceux-ci sont établis selon (quasiment) les mêmes critères dans l’ensemble des pays développés? Il existe bien, dans notre pays, une culture de la défiance vis-à-vis du sommet, du pouvoir, de l’Etat. En somme, de tout ce qui symbolise l'expression de l’autorité, la figure paternelle…
Les origines de la défiance
Les origines de cette défiance sont nombreuses et inhérentes à l’Histoire de France. La grande difficulté du pays à se réformer par le dialogue et l’échange (et cela depuis la révolution française), le fantasme entretenu d’un « grand » pays qui n’a pas besoin des autres (en écho à la « grandeur » connue sous Napoléon 1er ou encore pendant les longues périodes coloniales). Ou encore la difficulté que rencontre le pays à aborder et parler les blessures de son Histoire (esclavagisme, guerres d’Algérie, d’Indochine, …). Ces différentes raisons sont à l’origine d’un double phénomène : la colère du pays contre lui-même (sorte de désamour ou de difficulté à s’aimer et à se valoriser) et colère contre les élites et les dirigeants qui n’ont pas su ou pas pu préserver cette « grande France » ni protéger les siens des guerres et des blessures (l’Etat endosse là le rôle du père décevant et non protecteur).
Comment croire en nouveau en son pays ?
Un travail de mémoire se met en place, depuis quelques années, en France. Depuis les révoltes généralisées des banlieues françaises à l’automne 2005, de nouveaux débats ont pu voir le jour : sur la colonisation française, sur la guerre d’Algérie et son incroyable barbarie, sur la non intégration des minorités au sein de notre pays… Des évolutions s’observent, aussi bien dans la représentation de ces minorités (dans les médias, dans le monde politique, dans les entreprises…) que dans le travail de mémoire que réalise le pays au fil des années (des livres paraissent, des films abordent des tranches d’Histoire restées tabous…). De la même façon, le clivage droite – gauche n’est plus aussi rigide et hermétique qu’auparavant (présence de ministres et chargés de missions de gauche dans un gouvernement de droite par exemple…). On peut imaginer qu’en continuant à regarder son Histoire dans les yeux, en mettant des mots sur les affres du passé et en acceptant progressivement que les élites sont non seulement utiles mais pour la grande majorité intègres… notre pays pourra à nouveau croire en lui-même, en ses ressources multiples et en un avenir apaisant et adulte.