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Copains d’avant : renouer avec ses origines et son histoire ?
Le succès du site Copains d’avant montre l’attachement de bon nombre de français vis-à-vis de leur histoire et de leur passé. Explications autour de ce succès :
La comparaison sociale
Chacun de nous tente, tout au long de sa vie, de construire sa propre identité, conforme à ses attentes, à ses aspirations et à ses idéaux. Cette démarche participe d’une réflexion de l’individu sur lui-même, autrement appelée introspection. Celle-ci porte principalement sur une analyse de ressentis et pensées, alors que la découverte et la connaissance d’autrui s’effectuent davantage sur la base des comportements observables.
L’observation constitue l’un des processus fondamentaux de la construction individuelle, qu’il s’agisse d’élaboration cognitive ou psychique. De la petite enfance à l’âge adulte, le sujet élabore son identité en procédant à l’étude des comportements d’autrui puis en s’identifiant à certains traits de caractère et en en rejetant d’autres.
La comparaison est également un outil efficace d’autoévaluation, qui permet à l’individu de vérifier ses capacités, ses connaissances et compétences, mais aussi ses stratégies de vie. La comparaison porte ainsi autant sur l’action immédiate (concours, épreuves sportives, tour de table, étude des travaux des uns et des autres etc…) que sur l’action dans le temps : on parle alors de comparaison temporelle.
Copains d’avant est un site construit pour permettre et faciliter ce besoin de comparaison temporelle : en retrouvant ses anciens camarades, l’individu dispose des données nécessaires à cette démarche ainsi que d’une certaine objectivité, estimée à partir du partage d’étapes de vie communes.
Une évaluation de soi
Festinger, l’un des auteurs fondamentaux de la psychologie sociale dans les années 1950-1960, fut le premier à théoriser le concept de comparaison sociale. Il en découvrit deux fonctions dont la première tient à un rôle de compréhension, dans le sens d’une évaluation de ses propres performances (Festinger 1954, Wheeler, Martin & Suls, 1997) : accéder à l’histoire d’autrui permet de cerner les épreuves traversées et d’anticiper sur sa propre réussite dans la même situation (divorce, étude, deuil, grossesse etc…)
La seconde fonction est en lien direct avec l’estime de soi. Elle procède d’une comparaison ‘choisie’, c'est-à-dire d’une évaluation de soi vis-à-vis d’un autre, désigné en fonction de certains critères. On distingue la comparaison descendante (Wills, 1981) de la comparaison ascendante. La première consiste en une sélection d’individus jugés moins performants que soi et aboutit ainsi à une valorisation de soi. Des phrases telles que « finalement, je m’en suis bien sorti » ou alors « ça aurait pu être pire », « je n’ai pas de quoi me plaindre » etc… témoignent de ce processus. Dans une certaine mesure, on peut se demander si cette juxtaposition du Moi à un Soi déprécié, peut être assimilée à un mécanisme adaptatif de l’Homme face à un environnement difficile et/ou vécu comme potentiellement dangereux.
La comparaison ascendante peut être reliée à une démarche de perfectionnement de soi ou à un comportement autodestructeur, en fonction du degré de supériorité du comparant. Lorsque l’individu se confronte à un sujet ayant obtenu une réussite légèrement supérieure à la sienne, il entreprend un processus d’interaction destiné à une transmission d’expériences et de compétences, dans un but d’évolution personnelle. En revanche, lorsque le comparant choisi dispose d’une réussite largement supérieure, la juxtaposition des parcours conduit à une autodévaluation importante, parfois assimilable à une démarche autodestructrice (Helgeson & Mickelson, 1995). Ce type de comportement se remarque notamment chez les personnes manquant de confiance en elle et souffrant d’une faible estime d’elle-même.
Conclusions
Nous l’avons vu, les sites tels que Copain d’avant, qui permettent de retrouver des liens avec des partenaires passés, relèvent d’un comportement ‘normal’ des êtres humains, se rapportant pour une part, aux processus de comparaison sociale.
Cependant, il est bien difficile de cerner l’utilisation que les individus feront de cet outil d’accès à l’autre et de comparaison temporelle. Chacun l’emploiera en effet différemment en fonction de son parcours et de ses objectifs conscients et inconscients.