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Comprendre la cyberaddiction
A l’heure des nouvelles technologies, la cyberaddiction est régulièrement abordée dans l’actualité. Mais il ne suffit pas d’identifier un problème pour le résoudre, car si ce phénomène existe, c’est qu’il répond à des besoins.
Des difficultés sociales et familiales
Certains considèrent que les cyberaddictes confondent monde réel et virtuel ; c’est une erreur. Il s’agit au contraire d’un choix conscient de se réfugier dans un monde qui, s’il est virtuel, leur semble moins douloureux et moins dangereux que la réalité. Leur environnement doit donc être questionné.
Les recherches effectuées par les psychologues Nichols et Nick montrent une corrélation entre l’isolement social et familial et l’addiction à Internet ; l’hypothèse de base étant qu’une carence d’interactions socio-familiales pousserait les individus à compenser en recherchant des rencontres sur Internet.
Par ailleurs, les chercheurs Young et Rogers ont utilisé l’échelle de dépression de Beck permettant d’évaluer le mal être moral, et ont ainsi prouvé que la moyenne des personnes dépendantes d’Internet se situait au niveau d’une dépression légère.
Une timidité excessive
L’écran d’ordinateur agit comme un filtre protecteur pour les utilisateurs. On note ainsi une baisse de la timidité chez les internautes par comparaison avec des dialogues en face à face, mais on remarque aussi une très forte proportion de grands timides dans cette population.
Des études menées par M Modayil ont ainsi pu prouver que 33,2% des utilisateurs excessifs d’Internet souffrent de phobie sociale contre 5,2% dans le groupe témoin.
Les manifestations de la cyberaddiction
La cyberaddiction touche une majorité d’adolescents et plus fréquemment les garçons. La plupart du temps, ils ont plus ou moins désinvesti leur scolarité et comme nous l’avons expliqué plus haut, souffrent d’une carence des relations sociales et familiales. Le jeune cyberaddicte est donc souvent très seul.
On distingue le surinvestissement passager à Internet qui s’inscrit dans les problématiques générales de l’adolescence, de l’addiction qui renvoie à perte de maîtrise de soi. Le cyberaddicte se trouve en effet enfermé dans cette activité, il est dans l’impossibilité de la contrôler.
Parmi les utilisations conduisant à l’addiction, on trouve les jeux vidéos en ligne tels que ‘World of Warcraft’, ‘Guildwars’ ou ‘Dofus’ ; les forums, les tchats, ainsi que les jeux de rôle.
La cyberaddiction ne doit en aucun cas être prise à la légère car elle peut entraîner des conséquences graves allant jusqu’au suicide, notamment parce que le jeune devient progressivement incapable d’avoir des relations normales et développe de fortes angoisses à l’idée de communiquer autrement que par son ordinateur.
Les éléments addictogènes d’Internet
Le développement des outils multimédia a considérablement changé nos vies durant ces dernières années, ils ont engendré de nouveaux comportements et créé de nouveaux types de liens sociaux. Cette technologie se base sur l’interactivité, en cela elle se différencie de la télévision et du livre qui proposent des activités solitaires.
• Le jeu en réseau
Certains jeux se déroulent en réseau, l'utilisateur doit donc s’associer à d’autres pour atteindre l’objectif fixé et se trouve ainsi d’emblée intégrer à un groupe, intégration qui peut s'avérer beaucoup plus facile que dans la réalité. Il est intéressant, à ce titre, de remarquer le vocabulaire employé pour désigner ces groupes ; ils parlent de ‘clan’, terme renforçant encore le sentiment d’appartenance.
• Un ‘vrai’ monde imaginaire
Par ailleurs, ces jeux offrent un monde virtuel très détaillé, présentant tous les aspects d’une société, aussi imaginaire soit-elle. L’évolution de ce monde est permanente et ne présente donc aucune répétition. Cette caractéristique contribue à masquer la différence entre monde réel et monde virtuel.
• Le temps de jeu
Il s’agit d’une autre spécificité remarquable, le jeu se déroule en temps réel. Autrement dit, le temps de la vie réelle est le même que celui du monde virtuel, un autre élément participant à la confusion.
Cette caractéristique rend tout simplement impossible l’arrêt du jeu: il y aura toujours des joueurs en ligne à travers le monde qui poursuivront l’aventure. Ainsi, si l’adolescent quitte le jeu pendant 2 heures, l'action se poursuivra sans lui pendant ce délai. Il devra donc reprendre le jeu en cours et selon les évolutions réalisées par d’autres. L’utilisateur sait donc que chaque minute passée dans le monde réel le prive du monde virtuel, de sorte qu’il est toujours confronté à un choix entre les deux.
• Le dialogue
Bien souvent, ces jeux offrent la possibilité de dialoguer entre équipiers. Le premier objectif est ludique puisqu’il s’agit de pouvoir définir des stratégies avec les membres du clan. Il existe donc un véritable tchat inséré au jeu qui permet d’aborder des sujets plus personnels.
Ces dialogues naissent très naturellement, même pour de grands timides, car d’une part, le premier contact a déjà été établi via le jeu, et d’autre part, les joueurs sont intégrés à un clan. Les recherches en psychologie sociale ont montré depuis bien longtemps que le meilleur moyen de former un groupe solidaire, est de donner à ses membres un objectif commun ainsi qu’un ennemi, éléments que l’on retrouve dans ces jeux.
Quelques chiffres
• 70% des utilisateurs des jeux en réseau multi joueurs passent plus de 10h par semaine à jouer contre seulement 8% pour les jeux video classiques
• 11% d’entre eux jouent plus de 40h par semaine.
Quelles solutions ?
La prise en charge des cyberaddictes est souvent problématique dans la mesure où ces adolescents refusent toute activité autre que le jeu vidéo. Or on ne peut soigner une personne contre son gré.
La création d’ateliers de jeux vidéo semble être une alternative intéressante dans la mesure où l’on se situe d’emblée dans un registre connu et apprécié de l’individu. En tant que grand joueur, il disposera aussi d’une certaine expertise qui participera à la valorisation de soi dans un groupe qui cette fois, est bien réel.
Petit à petit, ils réapprennent à communiquer en face à face et à faire confiance aux autres. Ces capacités retrouvées, le jeune pourra ainsi s'exprimer sur des sujets personnels.
En parallèle de ces ateliers, un suivi psychologique est assuré, car il ne s’agit pas seulement de supprimer le symptôme, à savoir l’addiction, mais bien d'intervenir sur ses causes, sous peine de rechute.